Katéchéo

Samedi 10 Mai 2003 - n° 1402 

Le monde chrétien témoigne avec zèle de son désir de participer aux initiatives des Evêques affrontés aux problèmes posés par la Nouvelle Evangélisation et la Catéchèse. Notre famille spirituelle est évidemment attentive à ce souci communautaire des catholiques, pour la bonne raison que, depuis des décennies, nous nous efforçons de porter l'Evangile dans tous les milieux en puisant, en particulier, dans le trésor que recèle la mission prophétique de l'Eglise. Certes le sujet est vaste, complexe mais il est très urgent de l'aborder.

Beaucoup de choses ont été dites et écrites qui appellent à la méditation, à la prudence, et en même temps à la plus grande audace. Aussi, en vieux routiers du service de l'Eglise, nous appelons à l'humilité face à la tâche impossible qui consiste à porter le Message du Christ au monde moderne. Impossible à nous - bien sûr- mais pas à Dieu. Je lisais récemment les "bonnes pages" de la sociologue des religions, Danièle Hervieu-Léger, laquelle annonce, en toute tranquillité, l’imminente désintégration de 1'Église. Tenons compte, toutefois, que la sociologue tempère ce propos d’une prudente précision: il s'agit des structures telles que nous les connaissons depuis des siècles -précise - t - elle - mais le catholicisme, lui, n'est pas mort. Après tout, si le constat semble être sévère, il est en partie juste. L'Eglise a perdu son audience ainsi que les prolongements politiques, sociaux, culturels dont elle était la source. Et le père Henri Madelin sj., directeur de la revue "Etudes", remarque fort justement que "nous sommes passés d'une civilisation holiste à une société où dominent les modèles individualistes, où personne ni le politique, ni le judiciaire, ni le religieux, ne rassemble" Ayant tout perdu de ses assises, certains estiment que l'Eglise est en "état d'apesanteur". Le plus grave, pour l'Eglise, est surtout la chute de la famille. Cette dernière se retrouve en famille éclatée, en famille séparée, en famille recomposée, j'aurais presque envie de dire, en pensant aux premières victimes, les enfants, en famille décomposée. Quand la famille s'effondre, tout s'effondre: l'école, le travail, l'idée même de vertu et la morale.

Le monde actuel ressemble fort à celui que connut en son temps Saint-Augustin, Berbère par sa mère sainte Monique, Augustin d'éducation Romaine admirait les fruits du Droit; l'ordre, l'organisation, enfin la sécurité garantie par l'Empire. Et, brusquement, tout s'écroule, tout un univers se dissipe, les barbares fondent de partout, briseurs odieux, semant la terreur. Alors après réflexion, Augustin comprend que le bien apporté par le christianisme n’était pas suffisant, trop limité aux "limes"; il fallait, donc, évangéliser les Barbares. L'histoire du christianisme est faite de ses victoires, de ses déclins, de ses sursauts. Même si l'Eglise connaît un jour, ici-bas, un triomphe, sorte de Rameaux terrestres, Elle ne sera vraiment dans sa plénitude que dans le Royaume. Mais, arrétons-là les constats négatifs; méme résumés il faudrait écrire des livres pour les exposer dans tous leurs détails et leurs méfaits. Le constat est amer; nous en prenons acte, nous pouvons, bien sûr, comme souvent dans l'histoire, déplorer ou regretter la perte de certains acquis précieux. Cependant rien n'est perdu et cela doit nous encourager car il nous reste l'essentiel: L'Evangile qui est la parole de Dieu.

Avant d'aborder cet essentiel - une remarque: Ces temps-ci l'Etat laïque - surtout à cause des difficultés posées par l'Islam - s'efforce, légitimement, de régler - ou mieux, peut-être, de réguler - les problèmes de la religion, par le concept de laïcité. Comment l'Islam vivra le Coran dans notre monde Occidental paganisé? L'avenir nous l'apprendra. Les autres religions, protestante, catholique ou juive s'accommodent, en gros, de la laïcité telle qu'elle fut définie en 1905. Ayons quand même la prudence de réaliser que la laïcité elle-même ne représente pas la panacée parfaite de la paix et de la concorde. Elle aussi a - et a eu - ses fondamentalistes. Elle qui se déclare arbitre, doit réaliser qu'elle est sujette aux tentations comme celles que j'ai connues autrefois dans les écoles de la République où s'exerçait au détriment des élèves croyants, cette "neutralité" qui ne l'était pas tant que ça... Nos décideurs d'aujourd'hui doivent être prudents pour demain et éviter de se prendre pour des "Docteurs in Divinis". Donc surveiller leur langage; lorsque certains parlent de liberté du culte, c’est-à-dire de la liberté pour chacun de pratiquer sa religion et de pouvoir la transmettre à ses enfants, ils ne doivent pas oublier que la religion, la catholique en particulier, ne se limite pas à cette définition. La religion n'est pas une affaire privée, elle doit s'adresser au peuple et pratiquer la prédication libre à tous les stades de la vie publique. Sinon on peut tomber, aujourd'hui - ou demain - dans la caricature juridique de l'article 124 de 1'ancienne constitution soviétique lequel définissait - formulation piège - que les croyants avaient "la liberté du culte et les incroyants la liberté de propagande antireligieuse...". Nous aussi les croyants, voulons la liberté de propager, l'Evangélisation ne pouvant rester "encorsetée" dans les murs du seul sanctuaire. De même comme le dit Régis Debray - reprenant Albert Bayet, grand maître en Maçonnerie et en Sorbonne des années 1930 -, la laïcité ne doit pas ignorer les religions mais les étudier toutes afin de pouvoir choisir.

C'est pourquoi j'ai intitulé cet éditorial "Katéchéo" c'est à dire dans sa signification profonde en grec: "faire résonner quelque chose en quelqu'un". C'est cela transmettre la Parole Salvatrice, la Parole qui change l'individu par la grâce du Christ, laquelle est reçue par l'oreille. Celui qui parle - ou qui enseigne - n'est que l'intermédiaire; ce n'est pas lui qui convertit, c'est le Christ par son Message annoncé et vécu. L'Evangile ne s'impose pas, il se propose. Les explications sont utiles, même indispensables mais elles sont, comme un soutien par rapport à la foi. C'est pour cette raison que nous n'accordons pas aux intellectuels - ou réputés tels - le même engouement que leur réserve notre société actuelle. L'homme de foi résonne, L'intellectuel raisonne; mais, face au monde dur et sans pitié qui se profile aux horizons du futur, la foi et la raison devront se battre ensemble pour que triomphe la Vérité.

La grande chance du catholique c'est la richesse de son Eglise laquelle, par le Pape et les Evêques unis à lui, indique l'orientation dans la Vérité, car nul ne possède la recette de la Nouvelle Evangélisation. Le Pape Jean-Paul II nous en rappelle la source; la seule source, c’est l'Eucharistie et la prière: "Le programme - dit-il à l'Eglise - que j'ai indiqué à l'aube du troisième Millénaire, L'invitant à avancer au large sur l'océan de l'Histoire, est de contempler le Christ... surtout dans le sacrement vivant de son corps et de son sang". Puis: "Si la vision chrétienne porte à regarder vers les "cieux nouveaux" et la " terre nouvelle ": cela n'affaiblit pas, mais stimule notre sens de la responsabilité envers notre Terre. " Et le père commun des fidèles précise: "L'Eucharistie donne aux chrétiens une "impulsion" à leur marche dans l'histoire " Ceux-ci devront retrouver les grands moments de l'Evangélisation primitive. Méfions-nous des formules imprudentes, y compris celles d'une spécialisation mal comprise ou mal appliquée.

Que la Nouvelle Evangélisation soit celle de communautés priantes, enthousiastes, partageant le Pain Vivant et portant la Parole partout, sans souci de classes, de races et de milieux. Vivre la foi confiante des premiers chrétiens, vivre de nouveaux temps apostoliques. Le reste appartient à Celui qui nous a dit: Courage et patience, j'ai vaincu le Monde

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Marana Tha

Georges Sauge

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