Le temps des Amazones

Samedi 24 Mai 2003-n°1403

L'étude de l'histoire ancienne nous apprend que beaucoup de civilisations disparues accordaient à la mythologie une importance se confondant avec la religion. Le mythe, souvent sous le couvert de la légende ou du fantastique, exprimait en fait les valeurs profondes d'une nation ou d'un peuple ; transparaissent ainsi les structures de l'esprit humain, caractéristiques de cette civilisation à une époque donnée. Les grecs, d'avant notre ère, évoquaient un peuple de femmes, cavalières et guerrières: les Amazones, lesquelles résidaient vers le Pont-Euxin, aujourd'hui la Mer Noire. Ces terribles guerrières, apparemment, n'aimaient pas les hommes qu'elles combattaient. Et - dit-on - pour mieux tirer à l'arc, elles se mutilaient du sein droit. De plus, elles immolaient les bébés mâles... Le mythe ne nous explique évidemment pas de quelle manière elles concevaient dans ces conditions, aussi bien, ce qui nous intéresse, c'est la pulsion révélatrice que recèle ce mythe. Car, à en croire l’abondante littérature de certaines écrivaines modernes, on est en droit de se demander si les antiques Amazones ne reviennent pas au galop de leurs montures, guerroyer en notre époque plutôt déboussolée.

On peut s'interroger sur la signification du phénomène moderne du féminisme et se demander si, d'une certaine façon, il ne s'apparente pas à une sensation ancienne, enfouie dans le mystère profond de la personne en son humanité. En très peu de temps, aux prétextes fondés que la femme n'avait pas dans la société la place qui lui revenait, qu'elle était soumise à l'homme, esclave domestique, confinée au foyer, enfantant souvent sans le désir d’enfants, exclue de la vie sociale et politique, la femme donc part en guerre. Certes, toute lutte humaine comporte des aspects multiples, les uns dramatiques et d'autres pittoresques. Il semble pourtant que la vague du féminisme contemporain réserve beaucoup de surprises, souvent comiques. Il faut dire que le phénomène est orchestré de main de maître, pardon... je veux dire de maîtresse. Les médias jouent du tambour et mènent la charge sur tous les champs de batailles. Politique, presse, art, social, cinéma, théâtre, travail, Mesdames avancent bannières déployées contre les messieurs, laissant ceux-ci sans voix et complètement médusés ! Évincés de partout les hommes se retranchent souvent dans la contemplation des joies de ces dames victorieuses. Par exemple, au cinéma - comme à la télé - difficile de voir un film policier ou un téléfilm, où le commissaire de police ne soit pas une commissaire en pantalon commandant virilement les hommes, dont le principal est noir, intelligent et bon, puis une beurette élégante au grand cœur, enfin quelques auxiliaires blancs pas toujours malins. Au barreau, comme à l'Ecole de la Magistrature, on distingue cependant quelques hommes ; de même qu'à l'armée, concurrençant les hommes, les femmes accèdent aux grades les plus élevés. Ces jours derniers, à l'occasion du 8 mai - dont les médias n'ont guère parlé - on voyait des jeunettes entourant des blindés mais peu de garçons, peut-être, eux, jouaient-ils à la poupée ? Si, Dieu nous en préserve, une guerre éclatait dans l'avenir, les hommes seraient relégués dans l'auxiliaire et les femmes seraient combattantes ; ce serait le temps des Amazones. Il y a donc, dans ce phénomène, une part de ridicule ; finalement les femmes, dans ces nouvelles fonctions, imitent, ou veulent imiter, l'homme et ce n'est pas toujours plaisant. Le pantalon ne fait pas la virilité, même porté par une ministre, quelque chose détonne; à quand, au nom de la parité, le pantalon pour les femmes et les jupes pour les messieurs ?

Un bastion résistait pourtant à cet engouement féminin, c'est celui de la Franc-Maçonnerie. Or, en quelques années, le nombre des Maçonnes a considérablement augmenté ainsi que les obédiences féminines. Les Maçonnes expliquent ces succès à cause des progrès de société dus aux préparations concoctées dans les loges par des hommes : divorces, pacs, contraceptions, avortements. En conséquence la contraception, approuvée par les modernes Amazones, tue actuellement mâle et femelle dans l'embryon. Les femmes - nous expliquent quelques vénérables et grandes maîtresses - se sont ainsi libérées des siècles de religion. Elles trouvent dans les loges les émotions de vivre la découverte de valeurs nouvelles débarrassées de la tutelle masculine. Lors d'une initiation, une nouvelle initiée, ancienne responsable dans la Ligue de l'Enseignement, confiait quelle fut son émotion lorsque "Sous le bandeau" elle avait eu l'impression de rentrer dans le ventre de sa mère. Entrer dans le temple est comme une nouvelle naissance et les " filles de la veuve " fêtent leur émancipation.

Il y a quelques années, j'avais eu l'occasion de montrer les dangers que cachent les excès d'une telle ascendance sociale. Au-delà des réflexions en forme de boutades que je viens d'évoquer, il reste vrai que la condition de la femme appelait à un sérieux examen. J'avais mis en cause, au sein même de notre parti socialiste, Elisabeth Badinter pour son action féministe, laquelle, dans sa formulation, me paraissait dangereuse pour les femmes comme pour les hommes dans la mesure où, sous prétexte, toujours de parité, la différence riche et naturelle des sexes n'était pratiquement pas prise en compte. Ces jours-ci, la- même Elisabeth Badinter, dans un nouvel ouvrage, semble revenir quelque peu sur ses positions d'hier: on aurait mal compris ses intentions. J'admire toujours - disons - la souplesse d'esprit de ces gens qui peuvent tenir le rôle de boutefeu quand c'est la mode et de pompier lorsque les temps changent. Évidemment, tant dans la prose d'Elisabeth Badinter que dans le langage, se voulant initiatique, des nouvelles Maçonnes, et de leurs très nombreuses acolytes ,la religion est toujours représentée comme la force régressive de l'Histoire. La relation sexuelle, d'après ce genre de littérature, y est réputée comme un péché, la femme devant obéissance au mari, en tous les domaines, tous les plaisirs charnels sont rejetés. Et, bien entendu, le fait de ne pas ordonner de femmes classe l'Eglise et le pape dans l'enfer de l'intégrisme. Tous ces postulats sont faux et les chrétiens vrais, même de gauche, ne peuvent que s'élever devant de telles affirmations et même s'inquiéter qu’à notre époque de telles énormités puissent trouver quelque audience. En vérité, l'attitude des modernes Amazones révèle les structures de l'esprit humain d'aujourd'hui, comme le mythe des amazones révélait les inquiétudes du temps de Solon.

Mais non, chères dames, les vraies valeurs, en ces domaines fondamentaux pour le bien de la société et de la paix, se trouvent non dans les loges mais dans l'Eglise. Contrairement aux allégations mensongères sur ce sujet c'est l'Eglise qui, se fondant sur l'Ecriture dictée par le Dieu, Père et Créateur, enseigne que l'homme et la femme ne forment qu’un seul Etre parce que fondé sur l'amour. Cet amour, Dieu l'a communiqué à sa créature lorsqu'il les arrachât l’un de l'autre afin qu'ils s’aiment. Le premier couple créé fut mâle et femelle. Ce que restitue le mariage chrétien qui est Sacrement et qui fait Amour le couple réuni. Cette unité totale, nous la vivrons dans le Royaume où - nous dit Paul l'apôtre des Nations - il n'y aura plus ni riche ni pauvre, ni homme ni femme, tous nous serons Un dans la gloire de la Trinité. Cet enseignement a constitué la base de notre civilisation, celle de l'Orient, celle de l'Europe, ce sera celui du monde à venir. La Constitution mondiale, pour vivre la paix, ne devra recourir ni aux Amazones ni aux guerriers mais à la seule Parole qui est Amour et Paix.

Georges Sauge

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