P.S. et gauche après Dijon.

Samedi 14 Juin 2003-n°1404

Puisque, à propos du Congrès socialiste de Dijon, les observateurs n'ont pas hésité à donner dans la boutade en parlant du "Congrès Hollandais", continuons quelques instants dans ce style. Pour nous, il s'agit plutôt des Hauts-Landais, ceux présentés comme gagnants et personnifiés par François Hollande et des Bas-Landais, minoritaires, personnifiés par Henri Emmanuelli, député des Landes. Or, n'en déplaise aux médias, c'est plutôt les Bas-Landais qui ont gagné. Au point que l'intervention d'Henri Emmanuelli - ses interventions sont souvent redoutées - fut écoutée distraitement tant elle apparaissait maintenant comme banale.

Que s'est-il donc passé à Dijon ? Quelle analyse sérieuse est-il possible de faire de ce congrès, à la fois attendu pour les uns, et joué d'avance pour les autres ? D'une certaine façon, ce Congrès était autant celui de l'opposition des gauches que du seul Parti Socialiste. Celui-ci, le plus important par le nombre est déterminant pour les autres formations. Il est, en quelque sorte, comme la colonne vertébrale du corps oppositionnel; seulement la colonne est aussi fragile que le reste du corps. De plus pour s’imposer seule dans l'arène politique il faut bien se rendre à l'évidence : le Parti Socialiste est encore en convalescence, les autres ne valent guère mieux. Disons tout de suite que cet état de "diminué" n'affecte pas que la gauche. La droite fait illusion parce qu'elle se trouve, pour le moment, aux affaires. Notre société politique manque de souffle parce que sans repères, sans théories - donc sans objectifs à long terme - sans perspectives. Nous n’avons plus de champions, plus de ces hommes charismatiques qui marquent une époque et s'ouvrent sur le futur. Il nous reste ce que nous méritons : un corps électoral à plat parce que déserté par une citoyenneté découragée qui ne se rend plus aux urnes. La contusion annihile les bonnes volontés qui attendent des hommes politiques d'envergure, et qui ne trouvent, maintenant, que des grands commis. Cela dit, je ne sous estime en aucune manière les grands commis, ils sont indispensables : Comme rouages, mais pas comme moteurs. Le drame, c'est que la politique se cherche une raison d'existence et singulièrement le socialisme débouté de son prestige passé. Que l'on soit de son temps est une évidence mais le reniement du passé, sans avoir la sagesse d'en garder ce qui en fit la grandeur et le dynamisme, est une faute qui peut être mortelle. On a pu dire des syndicats ce qu'on peut aujourd'hui appliquer aux partis politiques : ils s'amenuisent pour cause de réussite. Ils ne savent plus, toutes tendances confondues, analyser le monde actuel, parce que celui-ci est dominé par la technique, que le matérialisme étant le grand régnant de ce début du troisième millénaire, on en déduit, un peu vite, que l'homme est désormais inaccessible à tout ce qui n'est pas orienté vers la pratique et l'immédiat.

Une société sans attente est une société en déclin. Ce qui explique un phénomène, qu'à mon avis on a mal compris, c'est le fait qu'au premier tour des élections du 21 avril 2002, le leader du Front National soit arrivé second. Ce ne fut pas seulement le rejet par exemple d'une politique politicienne, par trop technocratique et souvent affairiste, mais l'attente d'une autre chose dont ce même peuple a besoin. Que le Front National ait d'un coup fait élire Chirac et déboussolé la gauche n'est que le petit aspect de cette séquence politique. Le vrai problème est ailleurs et plus haut : La recherche d'une Cause. A Dijon, les socialistes ont effleuré ce problème, ils ont finalement opté pour la Réforme et surtout continué à bannir de leur vocabulaire - ce qui ne date pas d'hier- le terme de rupture. C'est une erreur. La rupture vise un but à long terme, un saut dans l'Histoire. Il est bon et positif de vouloir rompre avec ce qui est mal et va à l'encontre du bien commun, non seulement pour notre pays mais en Europe comme demain dans le Monde ; entier. Il faut rompre avec les idéologies à l'affût du temps propice pour une nouvelle émergence, rompre avec leurs théories criminogènes toujours actives mais rompre aussi avec le capitalisme exploiteur victorieux dont le système, basé sur le profit, vise à transformer l'humanité. Ce serait l'esclavage heureux et consenti du travailleur au service d'une minorité anonyme et sans âme, bouchant pour longtemps tout rêve, toute beauté, faussant toute civilisation. Si la gauche socialiste ne retrouve pas ce qui fit son succès et son dynamisme, d'autres le trouveront pour elle. Hier François Mitterrand avait proposé cette vue historique : "Celui qui ne consent pas à la rupture avec la société capitaliste (...) ne peut être adhérent au P.S. " Il répondait déjà, avec réalisme aux sirènes du Réformisme et des réformistes qui estimaient que "la rupture est une chimère : dangereuse", dangereuse pour les réformes. Mais les réformes ne supposent pas forcément le Réformisme. Pour le réformiste, la Réforme est tout; ce qui en bonne logique conduit souvent à s'aligner au système capitaliste, ne serait-ce que par participation aux gouvernements de droite. Certes la collaboration avec toutes les formes que revêt la politique est possible, nulle bonne volonté sincère ne doit être rejetée, à condition d'avoir un but supérieur qui explique des positions transitoires. Et François Mitterrand pensait sûrement à ce problème fondamental pour l'avenir du socialisme quand il soutenait que le PS pouvait être : favorable à une société d'économie mixte" lorsqu'elle met le réformisme au service des espérances révolutionnaires. L'essentiel était l'ouverture aux lendemains. C'est pourquoi François Hollande doit être prudent dans ses propos même s'ils sont anciens. "En appeler au réel bien plus qu'aux mythes". Mais dans l'esprit du peuple dans son instinct profond c'est le mythe qui est réel. On retrouve quelquefois - toutes proportions gardées - cet affrontement dans la Religion Catholique, spécialement dans l'action catholique. On estompe l'Espérance et la Promesse du Retour glorieux du Christ, aux prétextes que cette attente des derniers temps porte préjudice à l'action sociale du présent. Alors que toute action sociale ou politique du chrétien découle de cette foi et de cette attente. L'apôtre Luc dans les actes est explicite à ce sujet, les chrétiens viennent de lire ce passage pour la fête de l'Ascension. " Alors que les apôtres regardaient le Sauveur disparaître dans le ciel, des "hommes en blanc" leur dirent: Pourquoi regarder le ciel. Allez par toute la Terre annoncer la Parole et convertir au Nom du Père et du Fils et du Saint d’Esprit ".

On pouvait penser à toutes ces questions à Dijon, quand Bernard Thibaut entra dans la salle du congrès, jamais une assemblée socialiste n'avait connu un tel enthousiasme, un tel délire, les Bas-Landais étaient aux anges !. Au point que le leader de la C.G.T. aurait murmuré que c'était peut-être un peu trop... Pourquoi un tel triomphe. Parce que, dans l'esprit de tous le leader cégétiste, apportait du solide, de la joie, un devenir. Bernard Thibaut était sensé apporter cela aux socialistes, mais également aux journées de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (J.O.C.) où il était invité, ce qui pose quand même problème: les Jocistes - on l'espère - devant attendre un événement d'une autre ampleur; Bien que personne n'oserait prétendre qu'ils aient confondu l'arrivée de Bernard Thibaut avec le retour du Seigneur ! Nous y reviendrons. Pour ce qui est de l'actualité, rappelons-nous que l'on peut parler Révolution sans être Marxiste pour autant. Souhaitons donc que ceux qui, ces jours-ci, mènent la lutte par les grèves se souviennent du principe révolutionnaire, de l'importance de la cadence. A mon sens, il serait prématuré d'envisager une grève générale. Ce serait une faute.

Le monde politique se doit, à droite comme à gauche, de faire réflexion sur tous ces problèmes de fond trop souvent éludés des préoccupations modernes. Le devoir des chrétiens est d'être présents partout dans l'éventail politique afin d'y proposer le Message civilisateur du Christ.

Ce Message est la Vie. Ici et pour toujours.

Georges Sauge

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