La Chine et le Un chinois
Samedi 14 Février 2004, N°1414
Il ne s'agit évidemment pas du Un des Huns
guidés par Attila dont les hordes déferlèrent chez nous
vers 450, en semant la terreur. Il s'agit, cette fois-ci, de Hu Jintao le numéro
Un du gouvernement communiste chinois, en visite en France. Je le dis et l'écris
nettement: C'est une honte pour notre pays d'avoir reçu un tel homme.
On peut m'objecter et m'expliquer les raisons politiques et plus encore économiques
qui légitiment une telle visite; je persiste dans ma protestation, comme
c'est le cas pour une très large partie de l'opinion publique. Je suis
profondément choqué que des hommes du gouvernement, souvent même
réputés chrétiens, aient mis tant de zèle à
honorer un héritier non repentant d'un passé - et aussi d'un présent
- si dramatiquement lourd.
On peut comprendre, compte tenu du contexte international,
que notre pays soit amené à entretenir des relations diplomatiques
avec Chine comme avec d'autres nations de régimes dictatoriaux, mais
il y a la manière. Si, comme on nous l'a rabâché, il s'agissait
d'accords purement économiques indispensables à notre expansion,
il était facile de recevoir poliment le Un chinois, en donnant à
cette visite la solennité froide et austère d'un grand conseil
d'administration. Ce qui aurait correspondu à l'attitude impavide et
figée, même dans le sourire, des visiteurs, d'ailleurs plus intéressés
que conciliants. Mais, qu'on ait déroulé le tapis rouge, exhibé
les ors et les cristaux de l'Elysée, déployé tous les fastes
de la République pour dire à l'invité qu'il dînait
au pays des droits de l'homme, c'est très cher payé; payé
par le contribuable, lequel ne pouvait même plus circuler dans Paris.
A ce propos, comme l'a suggéré un journaliste plein d'humour:
dans certains cas, il serait bon de délocaliser de telles cérémonies
en un lieu qui laisserait aux travailleurs la liberté de circulation
! Toutes les remontrances, faites par le Président de la République
à l'adresse de son hôte, n'ont aucun impact quant au comportement
personnel de ce dernier, pas plus qu'à celui des décideurs communistes
chinois. Ils étaient venus pour signer sans contrepartie humaine, le
reste ils s'en moquent comme d'un rouleau de printemps. Ils font aujourd'hui
ce qu'en son temps a fait Lénine en inaugurant la politique, dite de
la Nouvelle Economie Politique (N.E.P.). A l'époque, les experts bourgeois,
se voulant astucieux, répondaient aux critiques que le fait de commercer
et de dialoguer favoriserait l'ouverture au monde libre, à la démocratie.
C'était dans les années 1920-1921. Les journaux avaient alors
la même argumentation que de nos jours; c'est juste si les capitalistes
- à les lire - n'incarnaient pas les libérateurs de la jeune URSS
! ... Le bilan de dizaines de millions de morts n'a pas servi de leçon
au monde.
Car, enfin, ce Hu Jintao est un communiste conséquent
qui a contribué au démembrement sanglant du Tibet, au maintien,
par tous les moyens, de la dictature et de la persécution de nos frères
chrétiens en Chine et ailleurs. Je suis frappé qu'à l'occasion
de ce voyage il y ait eu si peu de manifestations de solidarité envers
ceux qui vivent la dureté du régime, même si on espère
qu'il y ait progrès; de la part des francais, des chrétiens en
particulier, c'est un abandon de citoyenneté et un oubli des conditions
dans lesquelles vivent les catholiques de Chine. J'ai trouvé bien mous
les commentaires - on se console facilement - comme dans les annces 192O, avec
l'espoir d' "ouvertures" possibles et d'adoucissements toujours claironnés.
Je ne suis pas sûr, contrairement à certaines opinions, que les
prisonniers en Chine apprécient la manière somptueuse dont leur
numéro Un fut "traité" au sens mandarin du terme, au
palais de l'Elysée. Beaucoup sont frappés de ce curieux phénomène,
lequel excuse toujours ce qui s'origine dans le Marxisme criminogène
et diabolise le Nazisme racial ou les dictatures fascistes ! On dénonce
facilement le racisme comme tous les intégrismes mais, dans les faits,
c'est toujours dans le même sens qu'on découvre des exemples probants.
Hitler passera toujours pour le dictateur-type - et Dieu sait combien il mérite
cette triste célébrité - mais les autres, qui pratiquent
encore de nos jours une idéologie également perverse, quoique
plus chargée en élimination physique sont réputés
moins nocifs. Sans doute la puissance de la théorie du Marxisme, dans
ses différentes versions, est-elle plus séduisante par son universalité
que la théorie de races: demain l'Internationale sera
le "genre humain".
J'ai eu, en des temps difficiles, le privilège
de monter sur de nombreuses tribunes aux côtés d'une religieuse,
missionnaire Salésienne, extraordinaire, laquelle apportait son témoignage
bouleversant sur son apostolat en Chine. Des auditoires passionnés, en
France et au-delà, ont pu ainsi communier avec leurs frères de
l'Eglise du Silence, grâce à ces récits directs et vécus.
Je passe sur les atrocités rapportées, la manière dont
de malheureux innocents étaient jugés et exécutés
en public sous les applaudissements. Cette religieuse fût, elle-même,
arrêtée, accusée de je ne sais combien de centaines de crimes
d'enfants - elle s'occupait d'orphelins avec ses seurs - emprisonnée
pendant longtemps dans les pires conditions, enf¦n condamnée ... à
être renvoyée dans la :"société bourgeoise"
! Lors de son transtert vers le pont international de Hong Kong elle était
accompagnée par une jeune militante communiste très endoctrinée
qui pendant ces jours de voyage lui vantait les bienfaits du Communisme lequel,
un jour, libérerait l'humanité. Au moment des adieux, de l'autre
côté de la frontière, la Mère Sophie dit à
la jeune militante: "ce que je sais, ce que j'ai vu, et subi, je le dirai
partout dans le monde libre". La jeune f¦lle lui f¦t cette terrible et
révélatrice réponse: "Vous pourrez, ils ne vous croiront
pas". Hélas ce fut vrai, ce fut tristement vrai, il fallut toute
l'énergie et le savoir-faire d'admirables chrétiens et aussi de
gens loyaux et honnêtes afin de mener à bien ces séries
de conférences combien libératrices. Car là est le drame,
le phénomène crucial, révélateur d'un état
d'esprit, forgé par une propagande insidieuse, qui amena un grand nombre
dont beaucoup de chrétiens - à étre trompés par
la connivence avec le communisme et induits en erreur, par manque de formation
manifeste. Ceux-là étaient sensibles, avec raison, au rappel incessant
des crimes nazis mais restaient de marbre lorsqu'il s'agissait des camps de
la mort en URSS, comme en Chine, comme à Cuba, comme en Corée
du Nord, comme en Amérique du Sud.
Hu Jindao à Paris était l'image de tout ce drame contemporain
et ce, au pays des droits de l'homme, sans protestations sérieuses alors
que des milliers de personnes, au lieu de klaxonner assis dans leurs voitures,
auraient pu converger vers l'ambassade de Chine pour témoigner de leur
fraternelle union avec ceux qui souffrent et qui peinent sur la terre chinoise.
Nous manquons vraiment de santé !
Comme nous l'avons souvent exposé, nous
souhaitons toujours nous tromper dans nos analyses. Si nous nous trompons nul
n'en souffrira dans le monde. Mais, attention, si c'est "l'Autre"
qui se trompe le monde en pâtira. Les idéologies n'ont pas dit
leur dernier mot, elles sont toujours en attente de nouvelles éclosions
et les forces qui s'y opposent comme le capitalisme ne sont pas meilleures.
Attention au gigantesque bond de la Chine, attention à la Russie de Poutine,
Attention à la possible "réconciliation" Russo-Chinoise.
La civilisation, basée sur l'apport fondamental du Judéo-christianisme,
est enserrée entre deux matérialismes géants et menacants :
D'une part le capitalisme exploiteur, dont même une certaine gauche croit
pouvoir s'accommoder, d'autre part la nouvelle version à base Trotskiste
du Marxisme. Il n'est pas question de choisir entre ces deux maux mais d'œuvrer,
par l'Evangélisation, afin de libérer la société
de l'emprise des totalitarismes destructeurs.
A ce propose je précise que, soucieux de
conserver une sérénité à laquelle nous sommes très
attachés, nous ne traiterons pas, pour le moment, de "l'affaire
Taïwan". Dans certains cas, la sagesse consiste à attendre
que s'apaise une juste colère. "Vive, Taïwan, Monsieur"...
Face au totalitarisme, la démocratie est, sinon la solution la meilleure,
elle est du moins la moins mauvaise; mais elle se mérite par la prise
de conscience comme ce que réclame le Pape, par la levée des jeunes
générations vers la citoyenneté, une citoyenneté
nouvelle, qui ne laisse pas aux forces subversives le bénéfice
de la conduite des Etats. Olivier Duhamel a raison de rappeler à propos
les paroles de Jean-Jacques Rousseau: "Seul un peuple de Dieu se gouvernerait
démocratiquement". Voilà, pour cette terre, la tâche
de la Nouvelle Evangélisation : assumer le politique nourri de la moelle
de l'Evangile.
C'est dire l'œuvre grandiose qui est proposée
aux chrétiens, œuvre prophétique en vue du Royaume.
Georges Sauge