De l'option politique des Catholiques.


Samedi 28 février 2004, Lettre d’Informations n°1415


      La proximité des élections régionales est une invitation pour les citoyens à faire réflexion sur la politique, son rôle et, plus encore, sur l'intérêt que porte l'électeur aux consultations électorales. Ce qui nous intéresse, c'est l'étude des dispositions des différents milieux de la société vis – à - vis du vote et ce qui guide leurs choix. D'une façon générale, le constat est décevant: il y a abandon de plus en plus marqué de la citoyenneté, surtout de la part des jeunes et un désintérêt de la chose publique se traduisant par le grand nombre des abstentions.


     Aujourd'hui, c'est une catégorie des électeurs qui retiendra notre attention, celle des catholiques. Certes je pourrais dire les chrétiens mais l'institution Eglise, par son importance pour les Catholiques est telle - et majoritaire de surcroît - qu'il est préférable de s'en tenir à cette seule famille religieuse. Quelle est donc l'attitude des catholiques au sujet de la politique ? Comment votent - ils ? Surtout optent - ils politiquement ? On a longtemps prétendu et – semble – t – -il - avec raison que, dans l'ensemble, les catholiques sans la bouder, se méfiaient de la chose; même, il n'était pas très bien vu qu’un paroissien ait là réputation d'être « engagé ». Il ne fallait surtout pas se salir les mains. De plus, cet électorat réservait son vote au milieu réputé compter le plus de chrétiens; il faut en convenir, en votait à droite en pleine droiture, en pleine tranquillité. Le souci missionnaire était nul.


     Il parait évident aujourd'hui que ce comportement était loin d'être le meilleur, le catholique était absent de la vie sociale de son pays, absent des grands débats de l'actualité nationale ou internationale : Psychologiquement parlant, ce croyant limitait son action à sa vie familiale et au culte. Ce qui, il faut aussi en convenir, n'était déjà pas si mal. Que ceux qui ont le privilège de vivre, de nos jours, d'une façon très différente leur catholicisme, s'abstiennent de juger trop sévèrement nos frères des générations d'hier. Les événements qui se sont déroulés, de 1880 à la veille de la grande conflagration mondiale de la première guerre, expliquent en grande partie, ce repliement et cet éloignement de la politique. La position ferme de l'Eglise Catholique lors des débats récents portant, tant sur la laïcité, le laïcisme, le port du voile ou l'Islam est certes de bon aloi et souligne le souci des autorités religieuses de ne rien envenimer et d'œuvrer pour la paix. Toutefois, il n'est pas mauvais de rappeler les raisons historiques d'un comportement passé, sans doute regrettable de la part des fidèles mais qui trouve, sinon une justification, au moins une explication. Récemment, un parlementaire connu et prolixe déclarait à la télévision qu'aux moments des grands affrontements entre l'Eglise et l'Etat, il y a une centaine d'années, 90 à 95% des Français étaient catholiques; autrement dit, en bonne logique c'est 5% de « laïques » qui se seraient arrogé le droit de laïciser le pays ? Et de quelles façons ! Il y a peu, un magazine, laïque, exhibait quelques photos de cette époque où l'on voit de vieux religieux, des Chartreux, lesquels justement gardent le silence, défiler péniblement entre deux haies de soldats, baïonnette au canon, afin de prendre la route de l'exil. Se rend – on bien compte, de nos jours, de la gravité d'un tel acte ? Exiler des hommes, des femmes, indiscutablement français et françaises, nationaliser les Eglises et les bâtiments, interdire l'enseignement public aux religieux, séparer l'Eglise et l'Etat, interdire le mariage religieux à quiconque ne remettait pas aux ministres du culte la pièce témoignant du mariage civil préalable. Ajouter à cela, en 1914, l'appel sous les drapeaux, des religieux exilés qui avaient conservé leur nationalité de français, lesquels - toujours au nom de la laïcité - n'eurent pas droit à la retraite d'anciens combattants après leur conduite héroïque sur tous les fronts... Comprenons la douleur et l'amertume des catholiques, qui se sentirent rejetés, exclus de la communauté nationale. Pour cette génération, « la politique » désormais était l'ennemi.


     Cette mentalité perdura mais elle accepta l'épreuve. On dit, maintenant que nous ne sommes plus en 1905, que les religieux sont en retard d'une guerre, que le problème se pose différemment. Ce qui est vrai aussi, est que les hommes d'aujourd'hui ne sont pas meilleurs que ceux d'hier et que l'histoire réserve toujours des surprises. Je connais suffisamment le milieu de la politique de toutes tendances, et j'ai entendu de nombreuses conversations pour être à même d'apprécier les dispositions antireligieuses de beaucoup. Dévaster une Eglise, profaner les hosties, saccager le mobilier - comme ces jours derniers - ne mérite, si je puis dire, qu'une pieuse émotion et un bref communiqué des médias. Mais s'il s'agit d'une simple réflexion à l'encontre d'un pratiquant d'une religion minoritaire on défile dans tous le pays. Si l'Eglise est l'objet d'une quelconque insulte, la chose apparaît banale, comme le dit J. Julliard « moquer l'Eglise est un jeu de société ».


     Quelle attitude le catholique doit - il faire sienne, face à la politique dans le temps présent ? Car là est le problème qui se pose à nous, catholiques. Nous vivons la période de la nouvelle Evangélisation, le Pape et les Evêques du monde entier, demandent aux fidèles, non seulement la vie de prières, de pénitence, de vie exemplaire, religieuse ou familiale, ils demandent aussi, avec insistance, le prolongement de la piété dans l'action catholique et politique. Le catholique doit être reconnu, non seulement en tant que personne mais dans sa personnalité publique, politique, sociale. Le catholique averti se doit, aujourd'hui, rompant avec un passé récent trop frileux, d'opter politiquement avec courage et aussi avec compétence. La vie militante est austére, difficile, le milieu est dur, égoïste, impitoyable, aussi le missionnaire des temps modernes, participera à la joie de vivre la mission prophétique de l'Eglise. Tantôt présent et silencieux, à d'autres moments intervenant et éloquent, il devra toujours se souvenir qu'il est en mission, envoyé, par la grâce de son Baptéme, pour proposer par la parole l'Evangile du Christ. Le Catholique s'instruira longuement des arcanes de la politique après avoir approfondi le contenu spirituel et intellectuel de sa foi. Il est utile d'avoir médité et défini sa vocation et de s'en tenir à l'exercice de cette seule vocation. On ne peut les avoir toutes. Les uns œuvreront dans l'action catholique caritative ou sociale, d'autres qui opteront en politique, auront soin de déterminer le milieu qui correspond à leur personnalité, à leurs possibilités mais tous se retrouveront présents dans l 'éventail du monde politique. Les uns plus aptes à parler à des gens dits de droite, les autres plus équipés pour parler en milieux hostiles, mais quelle que soit la « formation » choisie on considérera toujours la religion comme première, évitant de tomber dans la lutte entre partis. Comprenons bien que nous avons besoin d'étre à l'écoute de l'autre, lequel représente une richesse, ou une originalité, mais n'oublions jamais que ce que nous apportons est toujours supérieur à ce que nous recevons. Ce que nous apportons c'est le Message du Sauveur Jésus et cet apport est indispensable à droite comme à gauche, c'est-à-dire partout où les hommes attendent. Les jeunes sont en mesure d'embrasser ce difficile mais enthousiasmant apostolat. A cet âge, mieux vaut vivre en aventurier de Dieu qu'en petit vieux timoré.


     Il existe, bien sûr, différentes manières d'opter en politique. A chacun d'évaluer ce qui lui est possible. On peut agir dans une « mouvance », un syndicat, un « parti» et, là encore, on peut simplement étre un membre discret, ou se trouver en mesure d'accepter des responsabilités et, plus rarement, accèder à des fonctions déterminantes. En tous les cas, les catholiques prudents afin d'éviter les pièges nombreux qui tapissent le sol mouvant et incertain du continent politique, s'efforceront de vivre en communauté priante. Vivre, si possible dans ces communautés, avec des frères ayant opté différemment, ceci pour éviter les tentations de la suffisance, de l'orgueil, de l'argent, et des multiples attirances que recèle la notoriété. Jacques Julliard, du « Nouvel-Observateur », dans l'interview à la revue « Famille chrétienne », rappelait la réflexion d'André Froissard: « Le malheur c'est que la gauche ne croit pas au péché originel et que la droite ne croit pas beaucoup à la Rédemption ». Sans doute, mais justement, pour que droite et gauche croient au péché originel et à la Rédemption, encore faut - il qu'au sein de cette droite et cette gauche, des chrétiens pleins de l'Evangile, enthousiastes et audacieux, déposent le sel de la Parole, celle qui annonce la Résurrection du Sauveur et plus encore Son Retour glorieux.


     La politique a ses limites. Pour convertir la société il importe de convertir l'homme car même si l'homme était délivré des formes les plus insupportables de l'exploitation et des avanies de ce monde, il n'en serait pas meilleur pour autant. Il convient d'Evangéliser les foules et toutes les gouttes de foules; l'homme en est une goutte. Enfin le catholique engagé et ayant opté sera avant tout à l'image de l'Eglise Une, comme le demande le Pape Jean - Paul II: « Que la prière porte de nombreux fruits pour la cause de l 'Unité des chrétiens... Dans un monde assoiffé de paix, il est devenu urgent que les communautés chrétiennes annoncent l 'Evangile d'une seule voix ».


Georges Sauge

 

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