S'ils se taisent
:
Les pierres crieront.
Lettre d’Information N°1418 du Samedi 10 Avril 2004
Les extrémités de la terre sont
sans doute atteintes et l'Evangile est partout annoncé comme l'avait
demandé et ordonné le Seigneur Jésus-Christ. Dire que
le message du Christ est partout reçu et pratiqué est, malheureusement,
contredit par les faits. L'état actuel de notre monde est souvent aux
antipodes du Message de Paix, de pardon, d'amour que Dieu, par son Fils, a
apporté en ce monde. Pourtant, après quelque deux millénaires
de prédication, l'Eglise est parmi nous, souffrante certes, mais disponible,
offerte au bon vouloir des humains, aux pauvres, aux affligés, à
ceux qui, dans les ténèbres, cherchent une issue afin d'en sortir
et de contempler la Lumière. Cette Eglise divine est le Corps de Jésus
Christ son fondateur.
Comme chaque année la liturgie de Pâques
nous dispense la solennelle beauté du rappel de la création
de l'homme, de sa chute mais, surtout, de sa Rédemption par la passion
et la Résurrection glorieuse du Fils de Dieu et du Fils de l'Homme.
Pâques commémore en effet cet événement prodigieux,
unique dans l'histoire des hommes, qu'est la Résurrection du Sauveur
Jésus. Jusqu'à cet avènement, le monde était dans
les ténèbres; mais, lorsque les femmes vinrent au tombeau elles
le trouvèrent vide et l'Ange sous l'apparence d'un homme vêtu
de blanc, leur dit en paroles ineffables: « Il est Ressuscité,
Il vous précède en Galilée ». Le jour le plus
glorieux se levait sur l'humanité, la Lumière éclairait
à nouveau la terre, des cieux nouveaux étaient promis aux hommes
du passé, du présent, de l'avenir. Ce sont des femmes qui furent
les premières Evangélistes. Nous, les chrétiens, en ce
Jour béni, devons rendre gloire au Créateur de toutes choses,
du Ciel et de la Terre comme des confins de sa création que notre esprit,
ici-bas, ne pourra jamais saisir dans la totalité de son Mystère.
L'alléluia chanté par le peuple des fidèles, aussi universel
soit-il, ne trouvera sa floraison et sa plénitude qu'aux jours du Retour,
lorsque l'Ange voyant l'Histoire se replier tel un rouleau, dira: «
le temps n'est plus ». Il n'y aura plus d'yeux pour verser des larmes,
l'Innocence sera le partage sans fin des Elus.
Dans cette attente, notre tâche première
et urgente est d'Evangéliser. Non prêcher un nouvel Evangile,
soumis à la loi du temps, mais trouver la manière nouvelle qui
correspond à l'attente de nos contemporains de recevoir cette Bonne
Nouvelle. Comme je l'ai évoqué ici récemment il ne faut
pas négliger de respecter les règles élémentaires
que nous enseigne une saine psychologie. Il est nécessaire de bien
connaître les courants de la pensée ou de l'action dominant la
société qui va de plus en plus vite vers sa mondialisation.
Cela bien admis - et surtout bien appliqué - n'oublions pas ce qui
reste premier: le Témoignage par l'exemple et la Parole. Le Maître
nous l'a dit, il nous a assurés de son assistance. Lorsque nous témoignons,
n'ayons pas comme soucis premiers les circonstances ou l'actualité,
soyons simples comme des enfants, nous ne serons pas jugés ou estimés
sur nos échecs ou nos réussites supposés, mais sur le
fait que nous aurons parlé ou non. Elle est puissante la Parole de
Dieu, efficace quand on parle comme on croit et comme on aime. Ce n'est pas
notre culture ou notre habileté qui agit mais Sa Parole. Rappelons-nous,
au jour des Rameaux, lorsque les disciples eurent hissé Jésus
sur l'âne, le peuple en liesse jetait ses vêtements sous ses sabots,
et les disciples chantaient les prodiges dont ils avaient été
témoins: « Béni soit Celui qui vient, lui, notre Roi,
au nom du Seigneur ». Alors, quelques pharisiens qui se trouvaient
dans la foule dirent à Jésus: « Maître, arrête
tes disciples ». Mais il leur répondit: « Je vous
le dis: S'ils se taisent, les pierres crieront » (Luc 19-28.40)
C'est ce Jésus que toutes les générations ont reçu
à charge de proclamer. L'exemple lointain nous en est donné
par Paul, l'apôtre des Nations, lequel avant la célébration
des Saints Mystères faisait frémir l'Assemblée des fidèles
lorsqu'il rappelait la Mission de Jésus. « ... C'est pourquoi
Dieu l'a élevé au-dessus de tout; il lui a conféré
le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu'au Nom de Jésus, aux Cieux,
sur terre et dans l'abîme, tout être vivant tombe à genoux,
et que toute langue proclame: Jésus-Christ est le Seigneur; pour la
gloire de Dieu le Père ». (Ph 2.6.11).
Bien sûr l'Evangélisation, en ces
temps de matérialisme qui sont les nôtres, est difficile, il
y faut étude et formation avec, comme base essentielle la foi, la prière,
le sacrifice. Car tous les moyens sont bons pour s'inscrire contre le divin
et contrecarrer la volonté du Père. On peut aussi se demander
si le diable ne porte pas pierre, de temps à autres... Peut-être
pressent-il un renouveau de la foi, une Eglise qui se lève au sein
des nations... Il a un flair affiné du futur. Lorsqu'on constate le
nombre de baptêmes, d'adultes surtout, on se demande comment, en notre
siècle, malgré toutes les attaques, directes ou insidieuses,
des gens souvent très instruits frappent encore aux portes de nos sanctuaires?
L'Esprit est là. En ces jours de Pâques un film s'impose - on
peut dire, je pense, dans le monde entier - c'est « La Passion du Christ
». Que de tintamarre! que de polémiques, que d'articles déployés
dans tout l'éventail de la presse ! Il est difficile de donner un avis
favorable ou non, quelques réflexions quand même. Du point de
vue réalisation c'est certainement une réussite. Mise en scène
excellente, trouvailles nombreuses comme l'emploi de langues anciennes, sans
doute des séquences sont elles discutables. Ce qui préoccupe
surtout certains milieux est de savoir si ce film est antisémite ou
pas? Et voilà le débat premier de notre époque relancé,
ou ravivé. De nouveau la question se pose : qui a mis à mort
Jésus ?
Une première réponse s'impose,
évidente : tout d'abord nous tous, avec le poids de nos péchés,
nos insuffisances, notre manque de foi. Historiquement ce sont les Juifs et
les Romains. On ne peut quand même pas pour des raisons culturelles
ou politiques et encore mieux pour faire plaisir à tout le monde, biffer
des passages de l'Evangile relatant la Passion. Le Concile Vatican II et le
Pape Jean-Paul ont honnêtement et clairement mis les choses au point
quant aux relations avec le peuple Juif. Curieusement ce Pape que beaucoup
discutent sur tous les problèmes de ce temps; contraception, morale
sexuelle, ordination des femmes et bien d'autres sujets devient, au jugement
des mêmes, quasi infaillible, lorsqu'il définit l'attitude de
l'Eglise vis-à-vis des Juifs. Les chrétiens n'ont nullement
besoin de ce genre de conseils en un domaine qu'ils ont appréhendé
depuis longtemps. Au demeurant notre credo fait dire aux chrétiens
de partout et de toutes générations: qu'il a souffert sous Ponce
Pilate, le Romain. La difficulté, sans doute insurmontable dans le
domaine de l'Art, ou du spectacle - comme le film en question - est qu'il
est impossible de présenter la vie de Jésus dans son ensemble.
Si un autre auteur que Mel Gibson mettait en scène l'entrée
du Christ à Jérusalem le jour des Rameaux, un tollé s'élèverait
contre le triomphalisme choquant si opposé à l'humilité...
Comme le résume à peu près l'Apôtre Jean en conclusion
de son Evangile : il y aurait encore tant de choses à dire ou écrire
sur les paroles et les actes de Jésus que toutes les bibliothèques
du monde n'y suffiraient pas. Ce qui est écrit et rapporté dans
les Evangiles nous suffit pour être sauvés. A Saint-Paul qui
suppliait humblement Jésus de le délivrer d'une épine
qui le tourmentait, Jésus répondit simplement: « Ma grâce
te suffit ».
Il nous est donc demandé, à nous
Chrétiens du début du troisième millénaire, de
ne pas nous taire. Si à cause de notre silence les pierres se mettent
à crier, malheur à nous. Nous sommes des rachetés, des
pardonnés, des personnes libres. En ces jours de joie Pascale, prions
le Seigneur de vivre de sa grâce afin de crier et de chanter avec Jésus,
le cantique de Moïse et des Hébreux :
«
Chantons le Seigneur, car il a fait éclater sa gloire ».
Georges Sauge