Le Mariage: les enjeux d'un débat.
Lettre d’Information N°1421 du Samedi 5 Juin 2004
Il est opportun de rappeler que le domaine
de la politique n'est pas toujours celui de la clarté souhaitée
par le plus grand nombre de citoyens. Il comporte, dans l'obscurité de
ses coulisses, des entreprises dont l'actualité voit les conséquences
sans pour autant, en déceler les causes. C'est ce qu'on appelle en psychologie,
la théorie du saucisson et de la « tranche ». Cela signifie
qu'il est impossible - ou imprudent - de faire avaler un saucisson d'un seul
coup, alors qu'en tranches il est apprécié. Dans le domaine de
l'opinion, qu'il s'agisse du politique, du social, du syndical ou du culturel,
il serait, ou il eut été risqué, de mettre en cause l'ensemble
des valeurs de base de notre société, sans encourir une réprobation
quasi générale. Aussi procède-t-on par tranche: hier la
famille, la laïcité, le pacs, l'avortement, certains aspects de
la religion; aujourd'hui il s'agit de l'homosexualité, du mariage des
homosexuels et, bien sûr, de l'adoption de l'enfant. En clair c'est le
mariage dans sa signification qui est cause, le mariage chrétien, image
de la civilisation fondée sur Dieu. L'avantage pratique de la tactique
de la tranche - dite aussi du salami - est qu'elle agit dans la durée,
qu'elle compte sur le temps pour désamorcer inquiétude ou opposition,
finalement le résultat, redoutable, est obtenu : la banalisation.
L'opinion publique s'habitue, de force, au délitement habile et progressif
de ses valeurs les plus précieuses.
Il faut bien admettre que la puissance de pression
de la part des media est telle, qu'il devient extrêmement difficile de
réagir efficacement sur le grand nombre. Un homme politique regrettait
récemment, lors de son passage à la télévision,
que la vie moderne ait pratiquement supprimé la réunion publique
et contradictoire, laquelle permettait un fourmillement d'assemblées
sur le plan national et international, où tout citoyen pouvait se documenter
et intervenir. Si vous passez sur le plateau d'une chaîne, vous avez quelque
chance d'être entendu, sinon vous n'en avez aucune, ou presque. Aussi
assiste-t-on à ce qui serait burlesque si ce n'était très
grave : une question religieuse portant sur un sujet délicat comme l'Immaculée
Conception ou la Résurrection, est traitée par des incroyants
notoires sans que l'on invite un ecclésiastique - ou même un laïque
chrétien - à participer au débat. On se trouve sous une
domination aimable et souriante qui exerce en fait une véritable dictature
qui décervèle avec douceur une opinion de moins en moins combative
par manque de pratique. La citoyenneté, privée de vie militante,
oublie peu à peu sa dignité d'électeur responsable. Chacune
des «tranches» comporte ses spécialistes des problèmes
invoqués. L'heure de la contraception est déjà lointaine,
celle du Pacs s'estompe, les foulards des beurrettes font donc place à
la « tranche» importante de l'homosexualité; enfin - on y
arrive - nous sommes à l'heure du mariage entre individus du même
sexe et, pour faire bonne mesure, on ajoute la question de l'adoption d'un enfant,
ou plusieurs.
Le plus grave est la puissance de l'argumentation
qui prend au dépourvu, non seulement les gens non avertis, mais aussi
les personnes de bon sens, lassées par la banalité sans cesse
renouvelée des champions de la subversion, car il se trouve toujours
des philosophes, des psychologues, des anthropologues et autres pédagogues,
pour vous expliquer que le soleil, par beau temps en plein midi, n'éclaire
pas. Mais le fait est là, terrible : Il y a trois ans l'homoparentalité
ne recueillait que 25% d'avis favorables et les sondages actuels approcheraient
les 49%; le mariage gay est en progression au point que 64% des français
seraient pour. La célèbre psychanalyste Elisabeth Roudinesco parle,
évidemment, du mouvement de l'histoire. Ce sens de l'histoire
est plus sacré que le mariage traditionnel; aussi les homos, comme les
hétéros, veulent lier l'amour, le désir et la procréation,
c'est le mariage universel qui supplante le mariage chrétien. Mais
qu'est-ce que la procréation pour l'homo qui, lui, ne peut se reproduire?
Peut-être un désir. Peut-être sa souffrance s'explique-t-elle
par ce désir qu'il ne peut satisfaire, ce qui donnerait un peu raison
à Freud, lequel assimilait l'homosexualité à un arrêt
du développement sexuel. Dans ce débat sur l'homosexualité,
masculine ou féminine, faisons nôtre l'attitude du chrétien
qui rappelle les termes du Catéchisme catholique: « la
génèse psychique de l'homosexualité reste largement inexpliquée
». Aussi le chrétien voit dans l'homosexuel un frère soumis
aux mêmes obligations que tout baptisé donc digne de respect et
d'amitié.
Curieusement, en politique, des leaders du socialisme
pourtant très réservés et d'une extrême prudence
sur certains sujets se sont brusquement ralliés au mariage gay sous l'impulsion,
il est vrai, de quelques « éléphants » en impuissance
de barissement. Cependant, à l'intérieur même du Parti,
le ton est quelque peu différent et les « socialistes-religieux »
ne manquent pas d'inviter à la discrétion. Dans cette famille,
pour une féministe comme Sylviane Agacinski, « la différence
des sexes est indispensable au combat pour l'égalité des sexes.
A ses yeux cette différence, contrairement à toutes les autres
qui pullulent dans la société, ouvre droit à la parité
politique. Aucune autre caractéristique ne peut, dans le modèle
républicain être « reconnue » : Ce serait la porte
ouverte au communautarisme. Il faut donc renvoyer les orientations sexuelles
à la sphère des choix privés ». (Ursula Gauthier
nous rapporte cette analyse dans le « Nouvel Obs» n° 2063 du
26 mai). Une opinion sûrement appréciée par l'époux
de cette femme : Lionel Jospin.
En ces jours sombres, c'est Noël Mamère
qui est l'homme de la situation, le meneur, l'agitateur qui entend célébrer,
en sa mairie de Bègles, le « premier mariage gay ». Toute
l'aristocratie des bobos libérés exulte, les verts, les radicaux,
le PC, même la loge maçonnique, « Les Enfants de Cambacérès
», tous applaudissent et félicitent Mamère pour son courage.
De Krivine à Françoise Gaspard, en passant par Didier Eribon qui
salue le geste politique de Noël Mamère " qui s'inscrit dans
la grande tradition des coups d'éclats qui transforment l'histoire ".
Les filles s'embrassent, les gars se chatouillent, certains parlent même
de changer de sexe ! Le juriste Daniel Borillo proclame « C'est la désobéissance
civile comme pour l'avortement ou les sans-papiers ». Le même Borillo,
en d'autres circonstances, aurait tôt fait de rappeler au respect de la
loi Républicaine. Ce triomphalisme est inquiétant car il vient
des profondeurs obscures, comme dit au début de cet Editorial. Que la
loge Cambacérès - au nom évocateur - batte des mains, s'explique
aisément mais elle bat des mains au nom des loges Européennes,
qui, elles battent avec les maillets de la Victoire. Un psychanalyste souligne
que les homos se donnent pour objectif rien moins que de porter atteinte à
l'institution familiale et tourner en dérision ce que l'on faisait semblant
de consacrer. Une réaction saine pourtant dans cette atmosphère
sulfureuse: « Maman - avoue Noël Manière - m'a traité
de petit con ».
Lecteurs mes amis - et je me répète
à dessein - un encadrement secret pervers orchestre toutes ces manoeuvres,
l'orchestre réunit plusieurs choeurs, aussi beaucoup qui se croient libres
ou célèbres sont mobilisés à leur insu pour un combat
qui les dépasse. Comme le dit Eric Fassin, professeur à Normale
Supérieure: « Ce ne sont plus les élites qui guident le
peuple, mais le peuple qui montre la voie aux élites ». Telle
est la victoire de la propagande forcenée qui, en détournant l'opinion,
a réussi à s'imposer aux intellectuels. L'adversaire est multiple,
mais unique est son but.
Par manque de formation, d'enthousiasme les laïques
catholiques sont trop absents et silencieux au sein de notre société.
Soigner l'individu ne dispense pas de discerner la trame qui draine une orientation.
Face à cette entreprise du Malin contre tout ce qui est divin, la Nouvelle
Evangélisation doit prêcher avec hardiesse la Vérité
révélée, au nom de son Père, par Jésus le
Christ. C'est Dieu qui a créé l'homme, créé mâle
et femelle. Pour cette raison le mariage n'est pas un contrat c'est un Sacrement
qui, en son Mystère, fait un de deux êtres. Ce Sacrement est grand,
dans la gloire à venir il n'y aura plus ni homme ni femme, nous serons
un en Jésus-Christ. L'enjeu du débat actuel est de sauvegarder
cet essentiel.
Dites cela, dites le au peuple, cette Parole est
efficace par elle-même. C'est le Christ qui parle. Essayons. Duc in altum.
Georges Sauge