UKRAINE: COURAGEUSE ET LUCIDE.
Lettre d’Information N°1426 du Samedi 11 Décembre 2004
Il est difficile de prévoir, compte tenu
de la complexité de la situation, la tournure des événements
qui se déroulent en Ukraine. Nous souhaitons, pour notre part, que l'opposition
"Orange" trouve la juste récompense d'une entreprise aussi
significative. Dans l'attente d'un heureux dénouement pour la liberté
d'un peuple et de sa Démocratie, il est opportun de résumer les
faits et d'en tirer pour la société mondiale quelques leçons
pouvant lui être utile.
Les électeurs Ukrainiens se rendirent donc
aux urnes pour l'élection présidentielle légale. Mais,
au second tour, les choses se gâtèrent, les électeurs -les
jeunes surtout- hurlèrent leur colère, accusant Viktor Ianoukovitch,
candidat du Kremlin, de leur voler leur victoire, celui-ci se prétendant
arrivé en tête. Le trucage des gens de Moscou était si évident
que des dizaines de milliers d'électeurs de toutes catégories
sociales se rassemblèrent sur la place de l'Indépendance à
Kiev et, malgré le froid, la neige, la fatigue la population persista
dans son refus de subir, comme au temps du communisme, le diktat du pouvoir.
Cette puissante opposition, conduite par son candidat Viktor Iouchtchenko, donne
un bel exemple de courage et aussi de maîtrise politique. C'est une première
leçon que la société occidentale peut tirer de cette attitude
de lucidité et de savoir-faire. De toute évidence une minorité
prouve non seulement qu'elle peut répondre aux manoeuvres de l'adversaire,
mais témoigne également, peut-être pour la première
fois d'une manière aussi éclatante, sa connaissance de la théorie
du Marxisme Historique. Car, en de telles circonstances, ce qui détermine
le succès ou l'insuccès est la parfaite possession du savoir de
l'adversaire. Cette ignorance en la matière a dramatiquement été
le fait des démocraties depuis les années 1920, ainsi sont-elles
gravement responsables de l'effroyable tuerie industrielle assumée par
les Soviets. Aux temps les plus forts de la persécution, des malheureux
ont appelé les démocraties au secours sans être entendus;
bien plus, ceux qui étaient conscients de l'horreur furent vilipendés,
traités d'intégristes, de fascistes... A l'heure où nous
sommes, "l'opposition orange" appelle au secours, demande aux medias
d'alerter l'opinion, à tous de les aider.
A nos décideurs, à nos chaînes
de télévision, à nos radios d'ajouter aux tonitruantes
émissions sur le racisme, aussi légitimes soient-elles, la dénonciation
du scandale fomenté et entretenu par l'Appareil secret relié par
le Kremlin. Celui-ci, maître en dialectique, sait reculer lorsque la force
lui est momentanément interdite. Il sait aussi retourner les situations
à son profit. Méfiance toujours.
Pour comprendre cette quasi-séparation
de Ukraine en deux camps et peut-être en deux territoires, il faut remonter
à la période stalinienne. Le "petit père des peuples"
ne supportait pas, non seulement une opposition de quelque nature ou origine
que ce soit, mais la religion était au premier rang de sa méfiance
et particulièrement lorsque le religieux se voulait universel, ce qui
était le cas des paysans grécocatholiques, les Uniates. Or, ces
gréco-catholiques rattachés au pape, se souviennent de 1 a grande
famine de 1932 qui fit huit millions de morts et de la persécution sauvage
entreprise par Staline dès 1946. Ils furent déportés, martyrisés,
dépossédés de tous leurs biens au profit du clergé
Orthodoxe. Les fraudeurs, soutenus
aujourd'hui par Moscou comptent plutôt curieusement, une majorité
orthodoxe dans leurs rangs. Curieusement car il faut être juste, si nombre
de grands responsables du clergé orthodoxe n'hésitèrent
pas à se ranger du côté communiste, beaucoup payèrent
leur fidélité au Christ, de la torture, de l'emprisonnement, de
la mort. Lorsque ces gréco-catholiques, au début des années
1990, voulurent récupérer leurs biens, surtout leurs églises,
cela donna lieu à des incidents souvent violents de la part des orthodoxes.
A l'heure actuelle quelques trois cents lieux de culte n'ont pas été
restitués. Ce qui éclate maintenant à propos des élections
présidentielles s'explique évidemment par les tricheries éhontées
des partisans de Viktor lanoukovitch, soutenu publiquement par Poutine, mais
d'abord pour des raisons de fond Car la seconde leçon que l'on doit absolument
retenir, quelle que soit la conclusion d'un tel événement, est
la persistance et plus encore la remontée partout dans le monde, du fait
religieux. On prête à André Mairaux, la fameuse déclaration
selon laquelle le 21 ème siècle serait religieux ou ne serait
pas, l'histoire semble lui donner raison. Ce qui s'est passé il y a peu
aux présidentielles des États Unis, aujourd'hui en Ukraine, demain
ailleurs, témoigne d'un phénomène qui monte puissamment
à la surface du monde déboussolé. Un homme politique, sagace
comme Sarkozy ne s'y trompe pas, ce qui explique son opinion: modifier la loi
sur la laïcité de 1905. La vague Maligne, destructrice des valeurs
fondamentales de la civilisation, a laissé l'humanité dans le
plus grand désarroi. Malgré des apparences trompeuses, souvent
dues aux persécutions sanglantes ou doucereuses, la foi en Dieu longtemps
contenue tend à exploser et se généraliser.
C'est pourquoi, je dis et répète
aux amis de partout de l'éventail politique, que le problème de
la religion doit être pris au sérieux. C'est la vérité
que la religion est première au cour de Phomme, soucieux qu'il est de
ses origines, de ses fins dernières, mais encore de la raison d'être
de la Création et de l'Histoire. Pour le plus grand nombre, l'Histoire
a une signification. Donner à la sxociété les seuls biens
que nécessite l'existence -le manger, le travail, le plaisir- ne comble
pas l'appétit que l'homme éprouve pour le Divin. L'Etemité
est présente en tout être humain. II faut donc comprendre qu'après
les désastreuses expériences des idéologies comme le Nazisme
ou le Communisme, les peuples qui ont subi de telles épreuves n'hésitent
pas, comme en Ukraine, à consentir aux plus grands sacrifices, afin de
ne pas retomber dans les griffes de la dictature. Comme le dit l'un de leurs
représentants en coiffure "orange": <En cas de victoire
du président soutenu par Moscou, les Uniates considérés
comme des anomalies religieuses seraient obligés de se taire dans les
débats de société>... <Comme à Moscou, continue-t-il,
nous n'aurions plus que le droit de prier>.
Ces derniers mots résument excellemment
les difficultés et les ambiguïtés des lois dites laïques.
C'est ce qui était défini dans l'article 124 de la constitution
Soviétique. Les Ukrainiens, comme les autres peuples de l'ancienne URSS,
se souviennent de cette fausse liberté religieuse prétendument
assurée par ce genre d'article: d'un côté la liberté
de culte, donc la liberté de prier, de l'autre côté, la
liberté, pour les non croyants, de la propagande antireligieuse. Or un
chrétien conséquent ne peut se satisfaire d'une telle disposition,
car la prière, si elle est un échange entre le Créateur
de toutes choses et sa Créature, suppose l'activité de la créature
au sein de la communauté humaine et de l'Histoire. Prier est essentiel,
premier, aucun acte humain n'est valable sans cet acte de vie. Ainsi prier pour
l'Ukraine et tous les affligés est donc primordial, mais la prière
doit être prolongée par la recherche de l'efficacité. Il
est bon, certes, de prier pour celui qui couche dans la rue enneigée,
mais le vêtir et lui procurer un toit c'est concrétiser sa prière.
Aller soutenir sur place, ceux qui souffrent est aussi un acte de charité
politique, le chrétien n'est pas un désincarné. C'est la
troisième leçon donnée par l'Ukraine. La présence
d'un Lech Walesa à Kiev, ville chrétienne depuis mille ans, a
dû fortement consoler le peuple en lutte; de même que les appels
du pape Jean-Paul II.
Ces réflexions n'empêchent
nullement la prudence, le discernement, le rôle de la négociation
et de la saine diplomatie. Mais ne pas oublier que la Ruse n'est jamais du côté
de la Paix.
Avec les Ukrainiens et tous les hommes de bon
vouloir, prions activement afin que la Paix apportée par le Christ au
jour de Noël, descende sur cette Terre.
Georges Sauge.