Jean Damblans

Lettre d’Information N° 1416, Samedi 13 Mars 2004


     Le 24 Février 2004, en cette veille de Carême, "Jean" nous a quittés, à l'âge de 82 ans: le Seigneur a rappelé à lui son serviteur. Je ne trouve aucun autre terme qui convienne mieux pour illustrer une vie consacrée au service du prochain autant qu'au service da Dieu.


     Je l'ai rencontré il y a plus de 70 ans; nos familles étaient voisines dans la banliene de Paris, aux confins d'Asnières et de Bois-Colombes. Nous étions de milieux quelque peu différents, notre parcours l'était également, pourtant un jour nous avons bénéficié du même précieux privilège: celui de découvrir l'Eglise du Christ dans son Mystère d'unité, dans sa dimension historique, dans sa vision Eschatologique, dans l'attente du Retour glorieux du Sauveur concluant l'Histoire en ouvrant toutes grandes les Portes du Royaume. Une personne aussi riche que le fut celle de "Jean" ne pouvait qu'être séduite pour une cause aussi essentielle; il en fut le serviteur jusqu'à son dernier souffle.


     Que dire de Jean en ces jours de chagrin ? Il y aurait tellement à évoquer qu'il me faut choisir, comme on retire, après un long moment, une pierre précieuse de son écrin. J'écris cela simplement, sans exagération, c'est ce que je retiens des qualités de mon compagnon, de mon frère. Avec la prière, c'est tout ce qui me reste à lui offrir: la vérité de sa vie.


     Très doué, il fut toujours brillant dans ses études, reçu dans plusieurs grandes écoles, il choisit Normal Sup. C'était un enseignant né. Agrégé de mathématiques, nommé professeur il eut à choisir entre l'Amérique du Sud et... Châteauroux. Il choisit Châteauroux.


     Une joie profonde, nourrie par une foi entraînante, se manifestait lors des grands moments de sa vie, son mariage si- heureux avec Armelle, la naissance de ses enfants, les cérémonies de baptême, le deuil de ses chers et généreux parents... Mais toujours, quelles que furent les difficultés inhérentes à la vie familiale, professionnelle ou sociale, l'apostolat était premier. Sitôt arrivé en Berry, soutenu par son épouse, il réunit une équipe de Jeunes garçons et filles, de foyers qui sillonnérent le pays afin de porter la Parole de Dieu. Bien sur son tempérament rarement en repos - physiquement comme intellectuellement - dut s'adapter à celui des Berrichons beaucoup plus lents, beaucoup moins pressés, il eut à surmonter un agacement fréquent. Mais quels résultats ! C'est que, étape décisive de sa vie, étape qui orienta toutes ses initiatives, il avait rencontré le père Marcelin Fillère lors d'un camp mission. Comme pour beaucoup, la rencontre avec ce religieux mariste, professeur de Psychologie Sociale à l'Institut Catholique de Paris, fut déterminante pour ce chrétien qui connut comme une nouvelle conversion, une vision bouleversante de la Mission Prophétique de l'Eglise.


     Cette puissance, cette plénitude, il la propageait dans tous les milieux, qu'ils soient ruraux comme à Ardentes, ouvriers à Vierzon, cadres à Châteauroux. Sa pratique oratoire était remarquable, l'éloquence enrobait la démonstration.


     Revenu à Paris, partageant les responsabilités de l'Apostolat de la parole aux côtés du Père Fillère, il anima la Cités des Jeunes, Propagande pour l'Unité, cercles d'études bibliques, sociaux, politiques. Etudes des grands courants philosophiques de l'heure, des idéologies, il était aussi excellent en philo. qu'en math. Il opta politiquement pour davantage d'efficacité. Aussi bon écrivain que pêcheur en mer. . .
Ce qui le caractérisait peut-être le mieux, c'était le don d'émerveillement qu'il avait envers les personnes, la nature, les événements. Emerveillements émouvants comme l'enfant - au sens de l'Evangile -qui témoignaient de sa bonté native. Sa silhouette, légèrement penchée en avant, imageait son souci de se pencher sur autrui.


     Oui, le savant, le lettré avait le don de l'enfance, découvrant chez certains des qualités peu évidentes pour tout le monde, c'était une manière d'exprimer sa charité et son habileté de discernement appris à la rude école de Fillère. Il s'émerveillait pareillement devant les paysages; lors d'un voyage il vous expliquait toutes les beautés jalonnant l'itinéraire.


     Serais je un peu téméraire si, me souvenant d'une de ses entrevues avec Monseigneur Charles, élève du Père Fillère, fondateur du Centre Richelieu, je rappelais un mot de celui-ci déclarant - à propos du Père Fillère - l'Eglise n'a pas tiré de cet homme ce qu'elle aurait pu en tirer ». C'est aussi ce que je pense d'un homme comme Jean Damblans. Une telle valeur méritait d'étre appelée à une responsabilité précieuse et urgente au service de l'Evangile. A l'Eglise de promouvoir de tels militants, exemples-types des besoins actuels de l'apostolat. Des laïques de cette trempe et de cette spiritualité répondent aux impératifs des temps nouveaux.


     Grand merci à Jean - sous le patronage du Baptiste - d'avoir vécu en précurseur trop méconnu, mais pourvu d'une belle récolte à engranger dans les greniers du Royaume.


     A Armelle, sa militante et méritante épouse, à ses enfants, à sa famille, à tous ses compagnons: Confiance et courage. Chantons ces paroles qu'il aimait et qu'aujourd'hui nous accompagnons de nos larmes: « J'étais dans la joie, quand je suis parti vers la Maison du Seigneur ».


Georges Sauge

 

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