Mémoire et identité

Lettre d’Information N°1431 du Samedi 12 Mars 2005


      Jean Paul II est un pape extraordinaire. Il est inclassable. L'homme est une force de la nature, sa résistance à la maladie, comme à la souffrance stupéfie le monde entier. En conviennent les croyants mais, peut-être plus encore les incroyants lesquels constatent que c'est la société mondiale qui est concernée par ce cas unique. En effet, quelle autre célébrité peut-elle se mesurer à celle du pontife de Rome? Ses chutes et ses rechutes déclanchent un intérêt toujours croissant, on parle de miracle. Miracle permanent peut-être, mais cet homme de foi se sait soutenu par un milliard d'humains composés de femmes, d'hommes, de jeunes, d'enfants qui prient pour soutenir sa Mission, celle du successeur de Pierre. Cette prière mondiale est efficace, le Seigneur écoute son Peuple, son Eglise qui est son Corps.


     La Mission du Pape est de prier et d'inviter à prier et encore mieux, d'apprendre à prier. Pour autant le Vicaire du Christ ici-bas n'oublie pas la terre et les drames qui s'y déroulent. Fidèle à la Parole, il poursuit à Rome même et sur tous les points du globe, l'Evangélisation salvatrice dont la société éprouve un besoin de plus en plus urgent. Aussi, résumant dans un quatrième livre la question du mal, livre présenté à Rome le 22 Février, le Pape Karol Wojtyla revient une nouvelle fois sur l'histoire de notre époque. Certes, cette nouvelle analyse suscitera bien des réflexions, des polémiques, des attaques. Sans doute, à cause de son état de santé, les réactions sont jusque là plutôt neutres mais, c'est un fait que ces lignes sont du genre explosif. Que dit le Pape? Quelle est la thèse de ce dernier ouvrage? En fait rien qui n'ait déjà été dit, mais le style et la clarté coïncidant avec une période assez agitée par ces mêmes questions, soulèvent un intérêt nouveau et original. Le Pape est réaliste, il regarde l'histoire contemporaine avec acuité. II va au fond des questions. Il n'écrit pas pour plaire ou déplaire, il parle de la vérité, de la liberté, des droits de l'homme dont le premier est celui de connaître Dieu. II est de surcroît, fort de son expérience, de son témoignage. II ne dénonce pas qu'un aspect du mal, il a les deux yeux ouverts et non pas un seul. Ainsi il dénonce à nouveau ce qui à empoisonné le Même siècle. Il nomme les idéologies issues des erreurs en couvaison depuis longtemps, comme celles écloses au temps dit des Lumières. Il stigmatise donc les vénéneux fruits dûs à ces erreurs; principalement le Nazisme et le Communisme. Il ne craint nullement la répétition, surtout il énumère les deux idéologies contrairement à beaucoup qui chargent l'une pour épargner l'autre. La difficulté -voire le scandale- pour certains analystes de ce texte est que le Pape relie le mal contenu dans les idéologies au mal actuel lequel en serait, en quelque sorte conséquent. Pour lui, l'avortement légal est aussi grave que l'extermination légale des Juifs par le Nazisme.


     En effet, le Nazisme, comme le Communisme, tirèrent pour la première fois dans l'histoire les conséquences de leurs théories et les appliquèrent aux sociétés humaines sous leur dépendance. Or, ces théories fondées essentiellement sur le matérialisme, quil soit réputé ou non dialectique constitua, dans les faits, une rupture totale avec Dieu. Dès lors l'individu n'était plus qu'un élément "chosifié", dans le premier cas au nom d'une race supérieure, dans l'autre au nom d'une classe, dite avant-garde d'une société parfaite, la société sans classe. Aussi, tous les individus qui résistaient, de quelque manière que ce soit à l'application d es théories criminogènes, étaient supprimés. Ils n'avaient, ces individus, même pas le droit à ce qu'on appelle la mort, ce qui constitue déjà une dignité, mais à la "liquidation physique" par le four crématoire et le massacre industriel.


     Le Pape fait remarquer, ce qui est d'une grande importance, surtout pour le présent et l'avenir de nos opinions publiques, que les pouvoirs qui ont procédé à de tels crimes, à des horreurs inimaginables, dépassant en cruauté l'imaginaire humain, ces pouvoirs ont été élus régulièrement, et même portés par des mouvements de foule considérables. Les partis Nazis ou Communistes comptaient, par rapport aux populations concernées, un petit nombre d'adhérents. Ils surent, par la formation minoritaire, faire émerger des cadres rompus à la science des propagandes, de l'agitation et de l'organisation, lesquels par l'encadrement progressif, orientèrent puis contraignirent les masses à exécuter les programmes issus des théories. Par exemple ils évitèrent, pour précipiter le mouvement vers le but, de comprendre la masse des électeurs dans leurs organisations. Le parti n'est pas la masse. Ces principes qui supposent une grande connaissance humaine, doivent être aujourd'hui médités par quiconque porte un message, ou une doctrine à communiquer au peuple. Si Hitler, si Mussolini, si Staline avaient été les pantins tragiques que l'on présente souvent de nos jours, ils n'auraient pas réussi avec une telle ampleur. Caricaturer, c'est souvent rendre service à celui que l'on veut combattre, Hitler n'était pas toujours tel que le représente le film: "La chute". Sa propagande s'était appuyée sur des données chères au peuple Allemand.


     Venons en au point sensible de l'ouvrage: "Mémoire et identité". Le Pape dénonce l'extermination légale des êtres humains conçus et non encore nés. Le Père commun insiste: Il s'agit, "encore une fois" d'une extermination décidée par des parlements élus démocratiquement. II faut bien se rendre compte de l'importance comme de la sévérité de ces paroles. Autrement dit, il est bien de dénoncer ce qui s'est fait hier, on n'en fait jamais assez, mais il importe de réaliser que ce que l'on pratique de nos jours est l'équivalent des tragédies d'hier. En fait, on pratique du Nazisme sans le réaliser, en cachant une telle monstruosité sous le voile de la science du progrès et du bien général. Avec fermeté, peut-être même pourrait-on dire, avec une certaine brutalité, le Pape stigmatise après l'avortement, les unions homosexuelles et leur droit d'adopter. On sent que le Pape éprouve comme une sainte colère, celle que l'on ressent à l'évocation d'Auschwitz. Mais pleurer sur les morts ne dispense en aucune façon, bien au contraire, de s'élever aujourd'hui contre le massacre des innocents: "Cette idéologie du mal, insidieuse, occulte, qui tente d'exploiter contre l'homme et contre la famille même, les droits de l'homme ". Sont réfutées ainsi les idéologies du mal, anciennes ou actuelles. Ces idéologies ont leurs racines dans une philosophie Européenne, la philosophie Européenne des Lumières de rupture avec Dieu. Le Pape développe, avec une nouvelle énergie, ce qu'il a toujours condamné en particulier dans l'Encyclique: "l'Evangile de la vie". Ces vieilles philosophies ont fait le lit "des idéologies du mal". En conclusion pratique tout ce qui est légal et décrété, même par des gouvernements démocratiques, n'est pas obligatoirement légitime, au plan moral. La vérité n'est pas issue de la majorité, bien que la majorité soit aussi en mesure de la reconnaitre. Jean Paul II constate: "A cause de la pression de la société, l'homme ne sait plus distinguer entre le bien et le mal. La liberté seule, sans référence -et d'abord à celle de la loi de Dieu- est un caprice, un libéralisme primitif, aux conséquences potentiellement dévastatrices". Est mis en cause dans "Mémoire et identité" le Parlement Européen, cautionnant beaucoup des avanies modernes évoquées.


     Ce texte, pour nouveau qu'il soit, surtout dans le style, n'est pas un testament, c'est pour Karol Wojtyla continuer la mission qu'il a reçue de Dieu, de défendre la dignité humaine toujours attaquée par le mal en sa personnalité maligne. Que l'on cesse de reprocher à ce Pape d'exception un côté progressiste et un autre quasi intégriste. Il n'est pas dans le pouvoir même du Pape, de changer l'Evangile de Salut apporté par le Fils de Dieu. Ce que l'opinion forgée par des "intellectuels intéressés" répute progrès ou avancées ne sont qu'invites à la destruction des valeurs essentielles. Ces valeurs qui préparent par la libération de l'homme, les bases d'une civilisation vraie. Ceux qui les combattent sont des rétrogrades qui confondent avancées et reculs.


     Que le monde politique se méfie de ses prétentions et réalise ce qui est vivant et annonce le futur. Dieu est la base de toute constitution bâtie sur ce Roc. Négliger cette référence est bâtir sur le sable. Dieu ne meurt pas.


Georges Sauge

 

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