Révolution ou Réforme.
Lettre d’Information N°1435 du Samedi 14 Mai 2005
Il y a peu notre Rédaction étudiait
les apports nouveaux des historiens concernant la période sensible allant
de la guerre de 1870 à nos jours. Et l'histoire du Socialisme, particulièrement
celle du Parti Socialiste, retenait notre attention. Les grands noms des fondateurs
et hommes politiques illustraient cette révision: Jean Allemane, Paul
Brousse, Jules Guesde, Jean Jaurès. Or, les réflexions au sujet
des positions du Parti Socialiste sont nombreuses, compte tenu de l'actualité
précédant le vote du 29 Mai prochain sur le traité de la
Constitution Européenne. Il est normal que l'opinion s'exprime et qu'à
cette occasion, les courants qui traversent le monde politique soulignent leurs
originalités. Ainsi nous avions relevé en cours d'étude
la différence, pour ne pas dire plus, entre Guesde et Jaurès.
Parmi toutes les relations médiatiques
traitant de ce sujet, les articles de Jacques Attali dans l'Express n° 2806-
2807 d'Avril 2005 s'imposent par leur clarté et, comme toujours, par
l'élégance austère du style. En résumé, Jacques
Attali dit, crûment: Le fondateur du Parti Socialiste c'est Jules Guesde
ou François Mitterand, pas Jean Jaurès". Plus loin Jacques
Attali rappelle le soir de Novembre 1900 à Lille où, "dans
le Parti" eut lieu le débat majeur entre Jaurès et Guesde
sur les "deux méthodes" possibles pour changer la
société: la reforme ou la révolution. Les deux
méthodes étant difficilement conciliables, c'est plus tard, pour
des raisons qui dépassent notre présente étude, que fut
imposée aux Français l'union des Guesdistes et Jauressistes, dans
ce qui deviendra la Section Française de l'internationale Ouvrière
(S.F.I.O.). Si je le comprends bien, Jacques Attali penche pour la Révolution:
"... En faisant de Jaurès -dit-il- le fondateur du Socialisme en
France, en voulant se donner l'image du réformiste contre la réalité
révolutionnaire, le Parti Socialiste risque de réduire son identité
à une histoire d'appareil, sans s'inscrire dans la longue durée
de l'histoire de France... En n'assumant pas les colères du passé,
il risque de ne pas comprendre celles de l'avenir". Dans la suite, il préconise
pour une "Mondialisation du Bien" une constitution planétaire
avec tous les moyens permettant de s'opposer au mal subversif'. Il conclut:
"Si l'on n'en est pas capable, les obsèques du Pape Jean-Paul II
resteront comme l'ultime manifestation d'une hypocrisie suicidaire".
Il est sûr que sans esprit révolutionnaire,
réduit à un processus réformiste, une formation politique
finit par s'essouffler. Aux jours d'Epinay régnait un souffle révolutionnaire,
on parlait de la rupture avec le capitalisme, le capitalisme considéré
comme système dominant la politique. Sans rupture, pas de Révolution.
Bien sûr, il s'agit de connaître le contenu du mot Révolution,
et sa nature. A ce niveau, des "socialistes religieux" ont à
faire part de leurs apports. Répétons-le, c'est pour cet aspect
révolutionnaire que des chrétiens ont rejoint le Parti Socialiste
aux jours d'Epinay. Si l'intervention de Jacques Attali est signifiante de profonde
réflexion et apaisante, un mouvement révolutionnaire d'une autre
origine est plus qu'inquiétante, tant les décideurs politiques
semblent tout ignorer des menaces possibles.
A la vérité je suis abasourdi de
constater, à la lecture attentive de la presse engagée politiquement
de la droite à la gauche, que l'expérience mondiale du communisme
n'ait pas servi de leçon. Comment ignorer à ce point la logique
infernale de la théorie criminogène du Marxisme? Comment peut-on
limiter sa connaissance du Mal au seul Nazisme? Comme si l'intellect était
devenu borgne et reflétait son infirmité dans l'éventail
réputé savant de tous les médias. Ainsi dans le "Nouvel
Obs" du 16 au 22 Avril, au sujet d'un titre, repris par "Arte"
intitulé: "Le Parti d'abord", Eric de Saint Angel écrit,
sans sourciller, je résume, que le communisme ayant échoué
partout, le successeur de Mao, Dong Xiaoping eut l'idée géniale
de passer à l'économie de marché comme un outil idéologiquement
neutre et résuma sa pensée en une phrase accessible à tous:
"Peu importe que le chat soit gris ou noir, l'important est qu'il attrape
des souris". Pour rester aux commandes le Parti avait enterré la
lutte des classes. Et encore, en encadré, le même Saint Angel sous
le titre: "Incroyable mais vrai" écrit: "Pour se maintenir
au pouvoir le P.C. Chinois a accouché d'un monstre idéologique
Au prix de contorsions acrobatiques, les dialecticiens du Parti ont réussi
à présenter ce reniement des principes de Marx et Engels comme
un retour au stade initial du socialisme. D'ailleurs Chen Zhou, un professeur
de marxisme à Pékin déclare: "...C'est pour abolir
un jour l'exploitation des travailleurs que nous sommes aujourd'hui pour l'exploitation".
Et Eric de Saint Angel de triompher. Il devrait pourtant savoir que Lénine,
peu suspect de reniement, avait lancé la Nouvelle Economie Politique
(N.E.P.). Le moins qu'on puisse dire est que ce journaliste n'a jamais assimilé
la dialectique et que, pour expliquer un point de vue marxiste, il le traduit
en langage "bourgeois". C'est ne rien comprendre à l'idéologie
de Marx, Engels, Lénine et Trotsky que d'écrire, en s'en félicitant
de surcroît, de telles erreurs. Ce qui est grave est que de telles analyses
faussent le jugement de l'opinion, le danger est ainsi dissimulé avec
un talent apparent, un savoir brillant mais erroné, qui préparent
des réveils dramatiques. En politique comme en religion, il faut savoir
discerner les temps.
Puisque le savant commentateur parle de chat,
noir ou gris, continuons donc quelques instants avec Raminagrobis,.ce familier
du vocabulaire communiste. Ainsi, à l'école du parti, un professeur
de marxisme conséquent demande: "Comment faire manger et avec plaisir,
du poivre à un chat?". Le petit malin répondra qu'on lui
ouvrira les babines de force et qu'on lui introduira le poivre avec un tube;
le Bourgeois averti préconisera une privation de toutes ingurgitations,
mais toutes ces recettes font du mal au matou sans qu'il éprouve de plaisir.
Le professeur donnera la solution marxiste: on répandra du poivre partout
où vit le chat, le poivre pénétrera son poil puis tout
son être, par toutes ses ouvertures sensibles, alors le chat, pour se
soulager lèchera son poil, sa peau, ses pattes, plus le poivre brûlera
plus il aura plaisir à se lècher. Et Monsieur Zhang, pensant au
chat poivré, déclare: "Il y a plus d'un milliard de Chinois,
c'est à 20 ans qu'ils sont le plus productifs. Nos ouvriers sont sages,
travailleurs et faciles à contrôler". Jeunes gens et jeunes
filles pauvres ont plaisir à faire onze heures de travail, car là
où ils vivaient, leurs misères étaient encore plus grandes;
donc la misère (le poivre) est, momentanément, Révolutionnaire.
Oui messieurs les intellectuels, il faut être conservateur pour être
révolutionnaire dans la logique de la Révolution prolétarienne.
Ce qu'Eric de Saint Angel appelle un monstre idéologique
est dans la parfaite logique de la théorie du matérialisme dialectique.
Le but final du Marxisme, n'est pas la prise du pouvoir politique afin d'assurer
le bonheur des pauvres, il est de faire changer la nature de la société
au terme du saut qualitatif brusque par la précipitation de l'Histoire.
Ce terme est prévu à très longue échéance,
et dans cette attente de la société sans classes, paradis image
du mythe, toutes les ressources de la stratégie et de la tactique sont
prônées. La tactique, même celle du cocon à long terme
peut-être appliquée car le rôle de la tactique est de dissimuler
jusqu'au bout l'action de la stratégie. La stratégie travaille
pour une longue période, la tactique sur une courte ou même très
courte.
Certes, toutes ces théories sont difficiles
à comprendre, Jeannette Vermeersh, la compagne de Thorez, évoquant
ses souvenirs à l'école du Parti, se rappelait la difficulté
qu'elle avait de comprendre la dialectique: qu'une chose est et n'est pas à
la fois, que la dialectique est l'étude des contradictions dans l'essence
même des choses. Aussi, devant de telles puissances, les démarches
des décideurs de ce monde dit libéral envers une Chine toujours
et logiquement communiste, comme Cuba, la Corée du Nord et d'autres,
je le répète, ne peuvent qu'inquiéter. Si demain, conséquentes
avec leurs principes, basés sur leur théorie, des puissances aujourd'hui
en cocon éclataient en légions agressives? Comme le déclare
Manmohan Singh, premier ministre Indien: "Ensemble, l'Inde et la Chine
peuvent redessiner l'ordre du monde". Et si, en plus de la Chine atteignant
bientôt une puissance terrifiante et de l'Inde, s'ajoutaient la Russie
où une révolution est possible aujourd'hui (Vladimir Pridylovski
-politologue Russe dixit), la Corée, Cuba...
De tout mon cour, je souhaite me tromper. Il faut
être réaliste, le devoir des chrétiens ayant opté
politiquement est de prévoir toutes les avanies possibles ourdies par
le Mal et d'en informer les autorités politiques et religieuses.
Cependant, tout ce qui s'est passé à
Rome, ces temps derniers, nous conforte dans la foi. Notre espérance
est grande, les portes de l'enfer, jamais ne prévaudront définitivement.
C'est la promesse du Christ.
N'ayons pas peur.
Georges Sauge