Métaphysique des Sexes.
Lettre d’Information N°1436 du Samedi 28 Mai 2005
Certes, ce titre plutôt inhabituel de notre part, n'a pourtant rien "d'accrocheur", surtout que le sous-titre en atténue quelque peu l'énoncé, il s'intitule: "Aux sources du Christianisme". • Il s'agit d'un ouvrage assez récent dont l'auteur est Sylviane Agacinski -épouse de Lionel Jospin- qui est philosophe et enseigne à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales. Nos lecteurs pourront s'étonner que, contrairement à notre habitude, nous traitions un sujet hors de l'actualité. Nous expliquerons notre point de vue très prochainement. Réaffirmons tout de même, notre déception de constater que malgré le formidable mouvement public et grandement populaire que furent la mort de Jean Paui Il et l'avènement du nouveau pape Benoit XVI qui témoignait d'un passé lourd de civilisation, ce passé n'ait pas rappelé aux législateurs du traité de la Constitution Européenne, que les sources de l'Europe étaient puisées dans les sources du Christianisme. Pour autant ne jetons pas le manche après la cognée, l'avenir est devant nous.
Donc, en cette période qui est la nôtre,
il est incontestable -les nombreuses relations modernes en témoignent-
que Dieu provoque de plus en plus, y compris dans lajeunesse, un intérêt
croissant. Sans doute notre époque est pleine de paradoxes. Ainsi c'est
au moment où les Eglises se vident que, dans le monde entier, l'intérêt
pour le religieux augmente. Disons toutefois que, sil est incontestable que
le nombre de fidèles a grandement diminué en quelques décennies,
la qualité de ceux qui persévèrent et qui rejoignent, prouve
ce renouveau de la foi. Attaquée sournoisement, discréditée,
accusée de toutes les turpitudes et compromissions politiques ou idéologiques,
il faut avoir du courage, beaucoup de courage, pour frapper aujourd'hui â
la porte de l'Eglise. Le livre: "Métaphysique des Sexes" apporte
sa contribution à cette critique à la mode du christianisme.
Si j'aborde l'ouvrage de Sylviane Agacinski ce
n'est pas tellement à cause de sa diffusion, je pense en effet qu'un
tel essai ne s'adresse qu'à une certaine catégorie de lecteurs,
des incroyants en majorité. Seulement les arguments développés
dans ces pages serviront à ceux que j'appellerai les vulgarisateurs de
l'athéisme, de l'anti-divin et de l'anticléricalisme lequel, me
semble-t-il, est un péché public aussi grave que l'antisémitisme.
Quelle est donc la thèse centrale de la "Métaphysique des
sexes"? Ceci: Dieu s'est trompé, en quelque sorte, en créant
nos premiers parents Adam et Eve. Mais, ce qui est grave, selon cette thèse,
est que cette création a été plus la création de
l'homme que celle de la femme. Et ceux qui ont hérité des écrits
de la Bible relatant la création dans la Génèse, ont bien
compris que l'homme était supérieur et que la femme était
donnée à l'homme par le Créateur, comme un cadeau. Fait
plus grave, surtout de la part des chrétiens, cette mentalité
de l'anclrocentrisme s'est imposée au long des siècles. Les premiers
chrétiens ont une responsabilité particulière, certes,
mais les Pères de l'Eglise sont les grands coupables, car ils ont moulé
une société, pétri une mentalité dont les empreintes
ont marqué et marquent encore notre civilisation. "Impossible donc
d'exonérer (le christianisme) de cette responsabilité"; une
de plus -ces deux dernières lignes relevées dans l'Express n°2799
du 27 Février dernier, sont de Jacques Duquesne, lequel n'en rate pas
une, il nous les a d'ailleurs toutes égrenées lors des commentaires
sur la mort du pape Jean Paul Il et l'avènement de Benoit XVI.
Je dois dire que l'écrit de Sylviane Agacinski
est d'autant plus dangereux qu'il est de haut niveau. L'auteur est à
la fois historienne et philosophe bien sûr, on peut même ajouter
digne d'un doctorat en théologie. Sa documentation est extraordinaire,
tous les philosophes de l'antiquité sont requis afin de mettre en évidence
les conceptions païennes de l'antiquité, héritages repris
par les Pères de l'Eglise et tous les penseurs des premiers siècles
chrétiens: Saint Augustin, Saint Ambroise, Tertullien, Clément
d'Alexandrie et des dizaines d'autres. Cette analyse détaillée
-bien que discutable- étudie le sexe isolé du Désir, puis
le désir différent possible de la volupté, enfin la virginité
comme bien supérieur, à condition toutefois que la virginité
tende à l'état supérieur de la virilité masculine.
Car Dieu a créé Adam masculin et comme il n'était pas bon
que cet homme soit seul, il a tiré la femme d'Adam lui-même. Mais
l'homme est la tête. C'est Eve qui a fauté, si Eve n'avait pas
été tirée de son côté, Adam n'aurait pas connu
la faute, le Serpent n'aurait pas eu le moyen de le séduire. Suivent
alors de longues études sur la Création et les conséquences
du péché, au détriment de la femme, celle-ci n'étant
jamais l'égale de l'homme. A mon avis, l'auteur est sincère, elle
dit combien elle est étonnée de cette expédition dans un
monde qu'elle ignorait, elle en a découvert la grandeur, elle est comme
stupéfaite de ses découvertes. Certains passages m'ont amené
à me demander si, finalement, Sylviane Agacinski n'est pas en route pour
la conversion? Je ne crois pas qu'elle ait écrit pour nuire, mais pour
aller contre une mentalité qui la blesse.
Elle déclare qu'il n'y a pas de féminité
en Dieu. Elle oublie que si le Père Tout Puissant Créateur a créé
l'homme à son Image "mâle et femelle", c'est donc que
les deux sexes étaient comme en Lui. Si il n'y a pas de féminité
en Dieu, ni donc en Adam, d'où provient la féminité d'Eve?
Elle souligne que l'Ecriture, le Livre, est une transcription humaine, ni le
Père, ni le Fils n'ont écrit, laissant à la créature,
après sa faute le soin d'accepter les conséquences de cette faute.
Le Serpent, le Rusé a dit au couple premier: "Si vous mangez de
ce fruit défendu, vous serez comme Dieu". Le Tentateur a diminué
le cerveau du couple tout en préservant le sien. Aussi Sylviane Agacinski
se trompe quand elle écrit dans sa conclusion: "L'homme était
fait pour l'Eternité, la femme l'a fait chuter dans le temps; c'est là
une dimension de la dramaturgie chrétienne, un des principaux aspects
de l'imaginaire masculin à l'ouvre dans la mythologie chrétienne.
La sexuation, comme la femme par qui arrive la différence sexuelle, est
solidaire, toujours, de la temporalité du monde, tandis que la neutralité
sexuelle de l'Adam primordial aurait pu exister dans l'éternité
paradisiaque, là où rien n'arrive' Ce texte est peut-être
d'une philosophie bienvenue et brillante pour la satisfaction de la pensée
moderne, mais il est faux. Dieu n'a pas créé un être à
son Image et installé en un lieu privilégié pour que rien
n'arrive. Il n a pas de mythologie chrétienne Dieu n'est ni une idée
ni un mythe, c'est une Personne- Dieu avait un but, une raison
en créant l'homme, il avait un plan. Mâle et femelle relèvent
de la même création. Que la raison créatrice de Dieu nous
échappe dans le temps qui nous est imparti est évidente,
mais il ne faut pas oublier l'Incarnation, Jésus fait homme et pleinement
Dieu et qui plus est dans le sein d'une femme, Marie. Sylviane Agacinski rétorque
que Marie ne triomphe que par sa virginité, état viril supérieur
à la procréation, donc à la chair et au désir voluptueux.
Penser ainsi est ignorer le plan que le Créateur avait conçu dans
la fraîcheur du Paradis. Le Christ, Fils de Dieu, a dépassé
par sa Résurrection la faute originelle et nous a promis le salut. Alors
il ny aura plus ni riche ni pauvre, ni homme ni femme.
Curieusement, l'auteur limite son étude
aux Pères de l'Eglise, ou presque, certes édifiants et savants,
mais ils ne sont pas pour autant l'Evangile. L'Eglise est vivante, son histoire
est longue et attrayante. Il serait bon que cette étude soit prolongée
avec le même sérieux par l'Eglise de notre temps. Les textes libérateurs
abondent, c'est l'Eglise qui a libéré la femme de toute tutelle
masculine et l'homme de l'Esclavage de Mammon et autres avatars du Serpent.
Il faut sortir du figé des bibliothèques, aussi indispensables
soient-elles. L'Eglise c'est la vie, l'humanité vraie, la tension vers
l'avenir et la nostalgie du futur. Vivons notre Espérance qui est certitude.
Le Retour du Christ nous révèlera notre plénitude, destinée
à rendre dans l'Eternité, gloire à Dieu.
Maranatha.
Georges Sauge
*Sylviane Agacinski - Métaphysique des Sexes - Librairie du XXIème siècle - Seuil.