L'Europe à l'heure des choix.

Lettre d’Information N°1437 du Samedi 11 Juin 2005


     Ce sont des heures cruciales que vivent les peuples de la Vieille Europe. Cruciales pour cette Europe, certes, mais sans doute autant pour le Monde. En ce qui le concerne notre peuple a répondu non au référendum du 29 Mai. Avant d'aller plus loin dans notre analyse d'une situation délicate, je me dois, comme annoncé dans le dernier "Editorial", d'expliquer notre position au sujet de la consultation par référendum de ce 29 Mai. A notre avis, il était très difficile, compte tenu des bases catholiques qui sont les nôtres et malgré de très nombreuses sollicitations, de donner un avis formel. Il apparaissait en effet, que le contenu du texte proposé au choix des électeurs laissait aux chrétiens la liberté de vote. Par ailleurs les modalités de la consultation ou plutôt des consultation, eu égard à l'importance souvent proclamée historique de cet acte, nous semblaient peu sérieuses et discutables. Notre opinion à ce sujet était proche de celle de Daniel Cohn-Bendit: il convenait que tous les pays concernés soient appelés aux urnes, le même jour et suivant le même mode populaire de consultation. Faire voter les uns par voie référendaire, les autres par leurs parlements, entache les résultats d'une validité très aléatoire. Conserver, comme chez nous en France, un secret jusqu'à l'heure du dernier dépôt de bulletin, alors que l'opinion de neuf nations était connue, relève, non peut-être de la farce, mais d'une légèreté certaine. Dans l'état où se trouve chez nous le monde du travail, comment des hommes politiques -aussi avisés se réputent-ils- peuvent-ils être aussi inconscients? Mettre les électeurs dans l'alternative d'un choix entre, d'un côté le bien d'une avancée et de l'autre un mal irréversible, est une décision grave et surprenante. Aussi les votants conviés à résoudre une telle alternative ont-ils souvent donné la préférence à leurs propres conditions de vie extrêmement précaires et dont l'amélioration est toujours reportée à plus tard, plutôt qu'à la question posée pourtant importante pour l'avenir. Il faut comprendre l'impatience du nécessiteux et prévoir la colère de l'oublié. Gouverner c'est prévoir, sinon c'est l'immédiat indispensable qui prévaut: Nécessité fait loi. Ces considérations rappelées -on peut les déplorer- il importe maintenant de regarder en avant en restant debout. Quelles que soient les conditions politiques de demain et les effets de la mondialisation, ce qui compte pour les catholiques, au-delà de leurs nationalités et de leurs options sociales ou politiques, est de discerner l'essentiel.


     Cet essentiel, ce fondamental c'est l'Evangélisation. L'Europe future comme la société mondiale ne peut se développer que dans l'harmonie universelle de la Paix. Pour ce faire, ce n'est pas sur le sable -souvent mouvant- qu'il faut bâtir, mais sur le Roc. Comment des législateurs peuvent-ils oublier cet impératif? Comment peuvent-ils, à très juste titre, s'inquiéter des droits de l'homme et passer sous silence les droits de Dieu? C'est pour l'Europe, l'heure où la présence active des chrétiens peut susciter le réveil et l'initiative. Ceux-ci se doivent de regarder les traces merveilleuses laissées sur ces terres par la Foi et le talent de nos pères. Leur courage, leur sainteté ont implanté dans la pierre et dans l'art, ce qui témoigne de leur Foi. Comment ne pas être chagriné lorsqu'on a suivi l'ensemble des échanges passionnés -en particulier le débat final du 26 Mai sur France II
du fait que pas un seul intervenant n'ait évoqué les sources chrétiennes de l'Europe, lesquelles ont abreuvé pendant des siècles les fondations de nos Patries. Tout sur le politique, tout sur l'économie. Pour réaliser la grande entreprise historique durable qu'on nous propose, il faut que les peuples qui la bâtissent, vivent une période de haute tension idéale. Ce serait répondre à l'appel pressant des papes de ce temps, à celui si convaincant qu'on nomme déjà Jean Paul II le Grand. Le cardinal Ratzinger, résumant l'esprit de cet appel du pasteur universel écrivait peu avant son élection au Souverain Pontificat:


"La fixation par écrit de la valeur et de la dignité de l'homme, l'affirmation que la liberté, l'égalité et
la solidarité sont les fondements de la démocratie et de l'Etat de droit, impliquent une image de
l'homme
, une option morale et une idée de droit qui ne sont pas du tout évidentes, mais qui sont, de fait, des facteurs fondamentaux de l'identité de l'Europe, qu'il faudrait garantir aussi dans leurs conséquences concrètes... Si nous ne nous comportons pas ainsi, non seulement nous renions l'identité de l'Europe, mais nous ne rendons pas aux autres un service qu'ils seraient en droit d'attendre... La destinée d'une société dépend toujours de minorités créatives, comme le disait Toynbee... Les chrétiens croyants devraient se considérer eux-mêmes comme une telle minorité".


L'Etude de la psychologie collective nous enseigne, en effet, que la minorité agissante est seule capable d'activer et de nourrir la masse amorphe. Il n'est pas exclu que le monde, en recherche actuelle de paix et de sécurité, soit agressé par des idéologies d'ailleurs déjà en puissance, fortes de l'expérience d'un récent passé tragique, ressurgissant afin de poursuivre leurs visées aux dimensions de l'histoire. D'ailleurs les observateurs sagaces ont compris l'avertissement terrible donné par Moscou lors de la célébration du 60ème anniversaire de la victoire sur le Nazisme.


     La conquête pour la conquête territoriale est une notion dépassée ou accessoire; la guerre moderne est basée sur la conquête des cerveaux en vue de changer le cours de l'Histoire, c'est une guerre psychologique et Maligne qui s'inscrit non dans un moment du temps mais dans le temps tendu vers une fin toujours renouvelable. Telle est la théorie de base des idéologies modernes, il faut certes apprendre à bien la lire; comme le disait le Docteur Faust: "La théorie est grise, ce qui est vert c'est l'arbre éternel de la vie". Ce genre d'idéologie a donc quelque chose d'Eschatologique, quelque chose qui vise au prophétique. C'est ce quelque chose qui tente de concurrencer la vision grandiose de la Vérité de l'Univers, finalement une tentative "d'escalader le Ciel" et d'estomper le divin en niant le Créateur. Pour résister à cette réalité sous-jacente, secrète, il faut à l'Europe une Constitution qui en plus de sa valeur pratique, se dote, face aux périls possibles à venir, d'un contenu autrement supérieur à celui que pompent les idéologies criminogènes. Ce contenu est un trésor, supérieur à toutes les prétentions humaines qui tentent d'élever vers le ciel de nouvelles tours de Babe!. Nos racines, nos sources sont indispensables à l'Europe afin que ses fruits tombent en abondance sur ses terres déjà ensemencées. Telle est la tâche des chrétiens, celle aussi des décideurs, la France est en danger, nous le rappelons aux Français aux moments difficiles où Dominique de Villepin accède au gouvernement. Ceux qui nous dirigent connaissent la question clef posée par Jean Paul II: "France, qu'as-tu fait de ton Baptême?". Pour l'Europe, les chrétiens ne manqueront pas de dicter à une Constitution Européenne amendée: "Souviens-toi de tes racines, souviens-toi de Jésus Christ". Alors, tous les Européens qui ont la nostalgie du futur, ceux que le Christ, seul Sauveur de l'humanité, appelle à le suivre, pourront, dans la joie de la Paix, lui répondre: "Seigneur des temps nouveaux tes enfants te disent: Oui."


Georges Sauge

 

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