Le Synode des Evêques à Rome
Lettre d’information n°1442, Samedi 19 Novembre 2005
A l'ouverture de cette assemblée exceptionnelle,
les Evêques ont pu voir, projeté sur grand écran, un tableau
de Raphaël, titré: "La dispute du Très Saint Sacrement".
Ce tableau, dans l'intention du peintre illustre, expliquait l'importance, pour
les représentants de l'Eglise, de la discussion, du débat. Dispute
signifiant discussion. Ce choix du tableau est celui du Pape. Effectivement,
nouveauté très riche, ce Synode fut celui du débat, de
l'échange d'idées, du dialogue entre les 250 représentants
des nations du monde.
Le Pape s'est félicité de la pluralité
des cultures et le Patriarche de Venise, le cardinal Scola, enthousiaste, le
constate en posant la question: «Quelle autre organisation peut ainsi
rassembler, pendant trois semaines, des hommes venus de continents et de cultures
aussi différents?» Autre question concernant cette fois le vif
du sujet. de Monseigneur Bruguès, évêque d'Angers: «Comment
transmettre et expliquer dans notre monde actuel, cet élément
central de l'Eucharistie, à la fois source de l'Eglise et fondement de
sa mission dans le monde?» De fait, pour qui fréquente le champ
apostolique des débats de ce troisième millénaire, une
évidence, terrible, s'impose: Cette génération est noyée
dans le matérialisme le plus total. Le poids du pratique, de la manipulation,
de la recherche de l'utopie grandiose comme d'une créativité de
l'irréel, coupe l'homme de ce temps de la réalité de la
Création. Aux offices, messes ou manifestations, les anciens et quelques
enfants dominent, les 25-40 ans sont absents. Que faire? Le Synode fut, lui,
réaliste. Il a écarté d'emblée la recherche des
nouveautés théologiques au profit du renouvellement de l'approche
pastorale.
Il faut bien comprendre, qu'à part quelques
exceptions, il n'est pas évident pour un esprit pratique moderne, d'accepter
le Message du Christ, Fils de Dieu; Message transmis aux douze apôtres
lors du dernier repas avant le drame du calvaire «Il prit le pain, le
rompit, le donna à ses disciples en disant, prenez et mangez en tous,
ceci est mon corps livré pour vous». De même pour la coupe,
en l'élevant Il dit: «Ceci est mon sang, buvez en tous, le sang
de l'Alliance nouvelle et Eternelle qui sera versé pour vous et la multitude,
en rémission des péchés. Vous ferez cela en mémoire
de moi». Ces paroles sont inouïes, difficiles à qualifier
humainement. Ces paroles sont comme insensées pour ceux consacrés
par le sacerdoce à les prononcer, car c'est le Christ qui vit en ces
paroles. Le chrétien doit prier le Père qui est dans les cieux
afin que ces Paroles essentielles ne soient pas banalisées. L'Eucharistie
et la Messe représentent un acte fondamental unique en notre humanité,
unique sur notre globe et universel en son Mystère. Comment dès
lors, expliquer à l'homme de notre temps, séduit par la matérialité
du siècle, la puissance et la signification de la présence réelle
du Christ en les espèces du pain et du vin? Même des baptisés
peuvent être dans l'incapacité de traduire ce que pourtant ils
vivent; on comprend la constatation peinée de Monseigneur Giraldo, Archevêque
de Medellin: «Nous avons beaucoup de baptisés mais ils n'ont pas
reçu d'initiation à la foi chrétienne.»
Un seul moyen reste au chrétien qui possède
en apanage la puissante efficacité de la Parole de Dieu. On parle comme
on croit et comme on aime. Prier, prier humblement à la manière
quasi enfantine du centurion. Comme lui, nous sommes tous indignes, mais qu'IL
dise une parole et nous serons guéris, donc dignes de parler, de témoigner,
laissant au Rédempteur le cadeau royal de la conversion. Enfin, problème
fondamental lié à l'Eucharistie, le manque de vocations sacerdotales,
le manque de prêtres, sujet évoqué dans notre récent
Editorial: «L'Uchronie et la Réalité». L'Eucharistie
suppose le prêtre, ordonné par l'Evêque, successeur des Apôtres.
De plus en plus de fidèles sont privés de la communion à
cause de l'absence du prêtre. Les familles catholiques conscientes se
doivent de prier et de vivre dans un cadre qui peut susciter une vocation à
la prêtrise. La famille chrétienne est le vivier où éclôt
la vocation, et le Synode s'est adressé aux familles afin de les en remercier.
Le Synode a traité du mariage des prêtres,
de l'ordination des hommes mariés. Qu'il soit bien entendu qu'un prêtre,
donc ordonné, ne peut en aucun cas se marier. Ceux qui, dans certaines
Eglises se marient avant leur ordination constituent un cas limite. A ce sujet
le cardinal Pierre Nasrallah Sfeir, Patriarche d'Antioche des Maronites (Liban)
déclare: «J'ai expliqué aux Evêques des Eglises latines
que le mariage des futurs prêtres autorisé dans les Eglises orientales,
résout un problème mais en crée beaucoup d'autres, car
les prêtres mariés doivent s'occuper de leur famille. Le célibat
des prêtres est le joyau le plus précieux de l'Eglise Catholique».
Un autre chapitre, douloureux, abordé par
le Synode, concerne les divorcés remariés. Un seul changement
est préconisé: celui d'un effort des tribunaux ecclésiastiques
pour les causes de nullité matrimoniale afin d'approfondir les éléments
retenus pour la validité du mariage, en tenant compte des nouveaux problèmes
nés du contexte de profonde transformation anthropologique de notre époque.
Les divorcés remariés ne sont nullement rejetés par l'Eglise,
ils peuvent vivre en l'Eglise, la communion sacramentelle étant exclue.
Cette porte ouverte par la déclaration du Synode est intéressante,
car, de même que pour l'Eucharistie, la réalité du Sacrement
en général est mal ou pas perçue par le chrétien
insuffisamment averti. Pour beaucoup -que de cas pourrais-je citer!-, le mariage
religieux est semblable à celui de la Mairie: un simple contrat, facilement
résiliable. Le Sacrement, comme celui de l'Eucharistie, n'est pas compris
par beaucoup dans sa valeur pleine. Ceux qui attendent un geste du Saint Père
doivent se persuader, que même le Pape ne peut annuler un sacrement. L'Eglise
peut constater par l'intermédiaire de ses tribunaux qu'il n'y a pas eu
mariage, mais, en aucun cas, casser un mariage valide. "Ils ne seront qu'une
seule chair, dit l'Ecriture, nul ne peut la trancher". La préparation
au mariage, développée depuis peu, est de nature par l'explication,
à permettre aux prétendants à ce sacrement de prendre toute
leur responsabilité, en toute connaissance.
Bien d'autres problèmes ont été
abordés par le Synode, problèmes importants qui pourront être
approfondis en fonction de l'actualité religieuse ou politique. Justement
il est recommandé aux laïcs de s'engager dans ce monde qui a besoin
d'un souffle aussi tonique que rénovateur.
Le souci majeur du Synode est l'appel aux chrétiens,
à leur fidélité à la prière, à évangéliser
en discernant et en dégageant l'essentiel, ce qui demande toujours du
courage et la foi en Jésus le Christ. Un bel et héroïque
exemple est évoqué par un évêque de la Biélorussie
au sujet de la tragédie mondiale de Tchernobyl; aussi grande reconnaissance
au cardinal Swiatek, trois fois condamné à mort par les Nazis
et les Communistes qui déclare: «Lorsque la catastrophe de Tchernobyl
s'est produite, le monde entier en a parlé. En notre qualité de
prêtre nous avons déjà essayé, en ce temps là,
d'attirer l'attention sur une catastrophe encore plus terrible: le vide spirituel.
Cette catastrophe spirituelle trouve ses débuts en 1917, avec la révolte
d'Octobre».
Que ce langage courageux et prophétique
soit un exemple d'Evangélisation afin de rendre plus vivante l'Unité
des chrétiens qui fera le salut du Monde.
Georges Sauge