La menace
Lettre d’information n°1443, Samedi 10 Décembre 2005
Les gens avertis et sages doivent se rendre à
l'évidence soulignée par les observateurs les plus sagaces: Nous
sommes en guerre. Une guerre étrange. aux fronts souvent indéfinis.
une guerre larvée. surprenante dans son déroulement. contradictoire
-en apparence- dans ses entreprises tantôt diplomatiques, tantôt
sanglantes. Face à un tel phénomène mondial la question
se pose: d'où vient la menace qui alerte et inquiète toutes les
nations du globe? Cette menace rompt avec les habitudes classiques des guerres
d'antan; la guerre se fait mais ne se déclare plus, on tue d'abord. Il
convient donc de reconnaître les effets qui résultent de cette
guerre invisible, ou plus justement souterraine. forme qui déroute l'opinion.
Constatation que les théâtres d'opérations sanglantes sont
multiples et généralisés sur tous les continents; des peuples
nombreux se révoltent exaspérés par la misère, des
fléaux de tous ordres troublent la sérénité indispensable
à la sécurité. Nul n'est à l'abri d'explosions aussi
dangereuses que le fut et reste celle de Tchernobyl: peut-être même
celle récente survenue en Chine. Enfin, des pans entiers de la population
du monde sont proches de la lutte armée, le Sud monte menaçant
vers le Nord. riche et réputé nanti.
Bien sûr, face à ce phénomène
qui, pour bon nombre de gens, fait figure de nouveauté. des remèdes
sont appliqués en fonction des analyses qui tentent d'expliquer une telle
situation. Il importe d'adopter des pratiques différentes basées
sur la générosité. la justice. l'égalité
des chances pour freiner la menace. Cependant il faut se rendre à l'évidence.
on peut multiplier les remèdes en tous domaines. l'état du monde
demeure ce qu'il est: bien plus. les déplacements de populations s'accélèrent,
les revendications se font de plus en plus violentes, la haine s'exprime partout.
la situation est inextricable. L'affaire Finkielkraut en témoigne. Ici
on réclame du logement... on bâtit des logements, là on
demande de l'argent... on vote des subventions. ailleurs on se bat pour l'indépendance...
on accorde l'indépendance, tout est prétexte à combats
revendicatifs... Quelle doit être face à cette situation, l'attitude
des chrétiens ?
La tâche du chrétien, triche primordiale,
est de définir la cause profonde de cet état de fait. En laïque
catholique, comme nous le demandent nos Pasteurs, je pense que ce temps extraordinaire
est celui des chrétiens et plus spécialement celui du laïcat.
Il nous est demandé un engagement en tous domaines; nous avons la charge
du politique, à nous d'analyser convenablement la situation générale.
de discerner avec justesse l'avatar du temps présent et de parler un
langage vrai. ce qui est par ailleurs conforme au devoir premier de la charité.
la charité politique. Ce qui suppose un dépassement de la politique
classique -souvent politicienne- afin d'accéder à ce qu'on peut
appeler la Métapolitique. Qu'on l'admette ou non, l'état du monde
contemporain met en péril les réalités non seulement temporelles
mais aussi spirituelles; jamais comme de nos jours l'importance de la religion
n'est apparue comme immédiatement nécessaire: la religion concerne
d'abord ceux qui croient en un seul Dieu. disons les hommes du Livre. Pour reprendre
les faits évoqués plus haut, je dis, au risque de choquer -mais
je m'en expliquerai plus loin- que quoi qu'on ait fait, qu'on fasse, et qu'on
puisse faire, rien ne changera, et cette guerre continuera.
Il faut avoir, à temps, le courage et la
lucidité de le dire: l'idéologie subversive se moque de toutes
les activités charitables et humanitaires, elle poursuit un but: la conquête
du Monde. Que l'on comprenne bien ce que je tente d'expliquer. Il ne s'agit
pas pour les chrétiens, de négliger le devoir impératif
de recevoir tout être qui, poussé par quelque motif que ce soit
demande secours, la Charité est la vertu première, celle qui sera
vivante dans les Cieux. La charité en tous lieux s'exerce par l'abnégation
de milliers, voire de millions de chrétiens et aucune action ne serait
valable si d'abord cette priorité n'était pas vécue en
Eglise. Mais cela étant bien entendu, le chrétien, averti et engagé,
ne doit pas -et cela relève justement de la charité politique-
être dupe et ignorant des menées Malignes et subversives qui gangrènent
le monde aux prétextes de changer la société afin de la
rendre plus juste. Il ne faut pas confondre -redisons le- l'accueil des nécessiteux
et l'invasion. Ce phénomène du temps présent est peut-être
imagé dans l'Apocalypse de Saint Jean qui déroule l'épisode
de la Bête de la Mer et de la Bête de la Terre. La première.
comme la Mer, est agité, déferlante aux horizons lointains, elle
est comme l'image de la foule, toujours en mouvement, plus exactement de la
Masse, en sa nature profonde évoquant l'Exode. La Bête de la Terre,
c'est la Raison et l'élite. L’intention, le cerveau du Malin. Cette
séquence de l'Ecriture, en plus de sa signification religieuse, nous
invite à méditer sur notre époque. La masse en ses diverses
composantes d'origines, de lieux, de cultures fait éclater l'ordre et
les valeurs ancrées sur les hases civilisatrices de la religion révélée
par Dieu à Moïse. La raison intentionnelle de la Bête de la
Terre conditionne, inspire, encadre la première. elle jugule les déferlantes
et les oriente vers le but ultérieur, mais encore caché.
Le laïc religieux doit connaître et
décortiquer, publiquement si possible. le plan infernal idéologique.
L'adversaire souvent inconscient vit du souffle empoisonné du Tentateur,
lequel lui enseigne les recettes qui permettent la conquête de l'humain
par la connaissance de ses réflexes, de ses comportements, de ses pulsions
fondamentales. Les événements récents limités à
notre pays prouvent, si on suit en même temps certains faits mondiaux,
qu'un cerveau unique orchestre un plan global de conquête tendu vers un
changement qualitatif de société... prétend-il.
Ainsi le plan de conquête compte trois stades: l'agitation, la propagande,
l'organisation. L'agitateur a. pour originalité et fonction de détruire
par langage simple et populaire les valeurs fondamentales. L'agitateur donne
une seule idée à un grand nombre d'individus. Le propagandiste,
au contraire, donne beaucoup d'idées à un très petit nombre
d'individus. Il les forme, les initie. L'organisateur, récolte les résultats,
car il s'agit d'organiser seulement ce qui est conquis.
L'agitation achève. semble-t-il, son travail,
teste l'état de résistance de l'opinion et du pouvoir. partout
les repères s'effondrent, les valeurs les plus fondamentales sont bafouée,
partout les vices s'installent et veulent contaminer ou éliminer les
bien portants; la démission devient politique et annonce la décadence.
Comme le titre Régis Debray dans "Le Monde" «L'absence
du sacré, aujourd'hui comme hier, est dévastatrice». C'est
le vide spirituel. Ce vide spirituel que le clergé de Russie, par la
voix du cardinal Saviek, dénonce comme plus grave que Tchernobyl. Ce
qui signifie et annonce que l'agitation, longuement diligentée par la
stratégie Maligne du Père du Mensonge, se poursuit. Ce vide spirituel
est provoqué afin de le remplir par une nouvelle conception du Monde
basée sur une eschatologie nouvelle: Le Mythe d'une société
délivrée de Dieu. Les signes de la poursuite de cette entreprise
sont multiples, signes tant militaires que politiques; même les signes
minimes sont révélateurs. Par exemple l'attitude de Poutine vis
à vis du passé communiste, les populations qui défilent
au mausolée de Lénine, plus atroce: la statue toujours fleurie
de Dzerjinski, le bourreau le plus infernal de l'humanité moderne.
Le laïque responsable doit alerter, expliquer.
à temps et contretemps, même s'il peut douter de la réussite
immédiate. Ayons en mémoire le précédent du pape
Pie XI, lequel avait prévenu en vain le monde, en deux documents fondamentaux,
des terribles conséquences dues aux idéologies. Aujourd'hui, Dieu
veuille qu'il en soit différemment. L'inquiétude du pape Jean-Paul
Il fut grande. il déplora les aveuglements d'hier souhaitant plus de
lucidité de la part de nos actuels décideurs. De même le
grand pontife décrivit l'évolution actuelle de l'organisation
idéologique qui constitue la Menace .Majeure de notre temps. Pourtant
on répand partout, sans doute à l'instigation du cerveau subversif
lui-même. que les idéologies sont défuntes; je l'ai même
lu récemment dans "La Croix". Très curieusement, les
médias ont ignoré un texte d'une extrême actualité
politique. même dirions-nous métapolitique, texte toujours de Jean-Paul
II, que nous rappelons de nouveau: « ...Le terrorisme s'est transformé
en un réseau sophistiqué de connivences politiques, techniques
et économiques qui dépasse les frontières nationales et
s'élargit jusqu'à englober le monde entier. Il s'agit de véritables
organisations dotées bien souvent d'immenses ressources financières
qui élaborent des stratégies sur une vaste échelle, frappent
des personnes innocentes qui n'ont rien à voir avec les visées
poursuivies par les terroristes».
Ce qu'il importe d'examiner et de dénoncer
- on ne le dira jamais suffisamment , ce sont les causes profondes qui déterminent
les effets: la racine du Mal.
Pour répondre aux maux d'une telle ampleur,
seule une Evangélisation porteuse d'amour doit présenter, ainsi
que le suggère Monseigneur Dagens, évêque d'Angoulême,
la dynamique du christianisme comme une nouveauté. Ainsi que l'écrivait
le tonique et tonitruant Léon Bloy: « Il faut bien que les prophètes
hurlent puisqu'ils parlent à des sourds».
Georges Sauge