La venue du Sauveur.

Lettre d’information n°1444, Samedi 24 Décembre 2005


      Bien longtemps avant l'arrivée du Messie sur notre terre, le Prophète lsaïe se réjouissait ainsi: «Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu» (Is.61 .1 .11). Nos générations saluent maintenant, non plus l'attente, mais la venue du Messie, le Sauveur Jésus-Christ. La joie en Dieu qui est celle des croyants en ce Sauveur, aux jours pleins de lumière du temps de Noël et de l'Epiphanie, ne saurait toutefois dissimuler une grande tristesse. Il convient de se rendre à l'évidence, de regarder autour de soi, d'être à l'écoute des media omniprésents: Noël dans sa grandeur première, dans son Mystère, dans sa signification grandiose, ce Noël si fêté, si chéri par nos ancêtres, ce Noël est aboli. Son impact populaire est oublié, détruit au profit de la médiocrité oublieuse qu'est la société moderne, une société dépendante de la "pollution commerciale" -comme le dit Benoît XVI-, de l'argent dont le règne étend son emprise et tisse sa puissance sur tout le globe. Noël c'est, maintenant, le sapin, les huîtres, le foie gras, les joujoux chinois, les fringues, les machines extraordinaires mais fugaces parce que toujours dépassées, c'est aussi le temps des dindes...


     Tout cela est grave, mais infiniment plus grave est le préjudice fait à notre génération, aux enfants privés de la vraie beauté de Noël, privés de connaître la Naissance du Jésus et l'événement ineffable que fut la pauvreté glorieuse de cette Naissance. Les media réalisent même le tour de force d'évoquer Noël à longueur d'émissions sans allusion aucune à l'origine de cette fête. Le tragique d'une telle situation est qu'elle marque une accélération de l'écroulement des valeurs. Celles-ci sont toujours plus bafouées, ridiculisées, rangées aux greniers des coutumes ringardes avec -semble-t-il- un certain acquiescement des gens sages voire de bons chrétiens. Le risque du ridicule évince celui de la terreur. La dictature de demain, laquelle se livre aujourd'hui aux grandes manoeuvres de sondages des résistances des gouvernements, n'aura nullement besoin de la torture, par exemple: le déviant sera accusé "de ringardise sociale et politique". Cela suffira à son élimination citoyenne; c'est déjà, en partie, le cas.


     Alors? Découragement en ces fêtes de Noël? Nullement, simplement essai de discerner les temps, d'être réaliste, lucide. Le spectacle des pays, même ceux réputés catholiques, est impressionnant comme présentement celui du Chili. La référence chilienne de "l'avancée", du progrès, de la libération est serinée à longueur d'émissions... Quelle magnifique candidate que cette Michelle: socialiste, athée, célibataire, mère de famille de trois enfants de pères différents. Précisons quand même qu'on peut être politiquement socialiste sans être athée, les socialistes religieux existent. Il est tout de même surprenant que des pays à forte majorité chrétienne, très structurés religieusement avec un laïcat représenté par des mouvements réputés disciplinés comme des Ordres, se laissent dépasser par des propagandes souvent primaires, mais Malignes. Au Chili, les chrétiens n'ont plus le choix -au moins en apparence- entre une gauche qui s'annonce agressivement antichrétienne et un capitalisme aussi logique qu'inacceptable. Que le Sauveur permette l'éclosion d'un laïcat chrétien qui partout s'impose formation, compétence, et discipline. Voilà qui serait un beau cadeau de Noël.
Que nos amis ne soient pas surpris par cette introduction un peu vive. De telles situations exigent un effort à la fois religieux et civique de la part des catholiques. La peur de la chose politique paralyse par trop les catholiques, lesquels se réfugient en toute quiétude, dans le caritatif. Ce qui est bien, indispensable, on ne le répètera jamais suffisamment, mais cela ne dispense pas de l'activité sociétale qui devient, de plus en plus, déterminante de la nature à venir de la mondialisation.


     La multiplicité du bien doit être disciplinée afin de renforcer l'essentiel de ce bien qui est d'abord l'Evangélisation. Des missionnaires, en Afrique surtout, font remarquer que les chrétiens sont assez généreux pour financer un dispensaire mais plutôt sourds pour financer un séminaire; attitude très révélatrice. Je ne pense pas être, par ces propos, un peu sévère, à côté du sujet: Noël, Noël qui est affaire du ciel et de la terre. Ecoutons encore le tonique Isaïe, déjà cité, dont la parole a quelque chose à voir avec notre situation. Notre liturgie de Noël, comme celle de l'Epiphanie, laquelle est la fête patronale de notre famille spirituelle, décrit une situation semblable à la nôtre mais Isaïe avait la nostalgie du futur, pleine de promesse, riche d'Espérance: «Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière, sur ceux qui habitaient le pays de l'ombre une lumière a resplendi. Tu as prodigué l'allégresse, tu as fait grandir la joie. Ils se réjouissent devant toi comme on se réjouit en faisant la moisson, comme on exulte en partageant les dépouilles des vaincus... Car le joug qui pesait sur eux... le bâton, le fouet, les soldats... le feu les a dévorés. Oui! un enfant nous est né, un fils nous a été donné; l'insigne du pouvoir est sur son épaule» (Is.9.1.6).


     Amis, en ces jours de lumière que nous vivons, réjouissons-nous malgré le triste état du temps présent. Ayons la foi du vieil Jsaïe qui n'avait pas encore la richesse apportée par le Christ. Il criait dans le désert en décrivant le malheur de son époque si semblable à la nôtre. Ecoutons-le encore: «Regarde: l'obscurité recouvre la terre, les ténèbres couvrent les peuples; mais sur toi se lève le Seigneur et sa gloire brille sur toi. Les Nations marcheront vers ta Lumière...». Vivons donc la liturgie de l'Epiphanie. Vivons-la avec les anges dans sa poétique beauté; écoutons Paul, l'apôtre des Nations lequel avait bien lu Isaïe, il en enchaîne la suite "un fils nous a été donné..." dans sa lettre aux Hébreux: «Dieu.., nous a parlé par ce Fils qu'il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes... Il est placé bien au-dessus des anges... En effet Dieu n'a jamais dit à un Ange: <tu es mon Fils, aujourd'hui je t'ai engendré...>. Au contraire, au moment d'introduire le Premier-né dans le monde à venir, Dieu dit: «Que tous les anges se prosternent devant Lui». Oui, il s'agit bien du Ciel et de ses habitants ainsi que des habitants de la terre. Ecoutons Luc, l'Evangéliste émerveillé, le compagnon de Paul, insistant comme lui sur le Ciel et le Message Universel qui en descend lors de la Nativité: «Lorsque les anges eurent quitté les bergers pour le Ciel, ceux-ci se disaient entre eux: Allons jusqu'à Bethléem pour voir ce qui est arrivé et que le Seigneur nous a fait connaître». Ils se hâtèrent d'y aller, et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans une mangeoire. Après l'avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant...». Quelle logique, quelle suite à travers les millénaires. Entre le premier testament et le nouveau, quelle puissance d'évocation! par les anges, c'est toute la création qui tombe à genoux. La terre monte au ciel.


     Ayons du courage. Toute l'Ecriture est pleine de la Promesse. Nous sommes tous Fils de cette Promesse comme fils d'Abraham. Nous savons que, malgré toutes les avanies dramatiques dont le péché antique est la cause, jamais les forces du Mal ne prévaudront ici-bas, à condition d'avoir la foi dIsale, d'Abraham, du vieillard Siméon, du Centurion, enfin de l'Eglise de Pierre et de Paul. Et puis de celle des Mages suivant l'Etoile et portant les cadeaux des Rois. Ils sont, ces Mages païens, l'Image Somptueuse du mystère du Christ. «Ce mystère -nous dit l'apôtre Paul -c'est que les païens sont associés au même héritage) au partage de la même promesse dans le Christ Jésus, par l'annonce de l'Evangile». Aussi, comme le firent le anges, les Mages étrangers «entrant dans la Maison, virent l'Enfant avec Marie sa Mère; et tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui.» (Mt, 2.1. 12). Cette fois-ci, le Ciel était sur la terre.


     Avec la même foi, sours et frères, fëtons ces jours de Lumière. Soyons dans la Paix. Le Seigneur reviendra dans la Gloire.


     Marana Tha.


Georges Sauge

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