BIEN COMPRENDRE L'ACTUALITE POLITIQUE MONDIALE

Lettre d’information n°1448, Samedi 11 Mars 2006


      L'état de la société est tel que beaucoup de nos semblables, de quelque origine de culture ou de lieu que ce soit, sont découragés et souvent proches de la démission. Cette disposition d'esprit se répand, non seulement dans le monde du travail, mais plus encore au sein de la jeunesse. Plus grave encore une certaine élite, philosophes, écrivains, sociologues, est décontenancée par la perte des repères fondamentaux qui étaient la base de la civilisation chrétienne, celle qui a nourri l'Occident et par-delà, une grande partie du monde. Il résulte de ces observations qu'une sorte de maladie porteuse d'épidémie atteint l'opinion publique mondiale: il s'agit du pessimisme. Ce pessimisme est vecteur d'idées déliquescentes, il gangrène les plus saines déterminations et les rejette dans l'individualisme le plus verrouillé ou vers le nihilisme paralysant et destructeur.


     Il faut bien admettre que dans le tableau que nous présentent quelques-uns de ces désespérés, tout n'est pas faux, hélas! Quelques lignes d'un déçu de notre humanité commente, avec talent et réalisme, les effets de cet écroulement des valeurs. Il s'agit de James G. Ballard, lequel au gré de ses ouvrages comme: "L'empire du soleil" ou "Crash", nous dit que même la science fiction est morte, et qu'il n'y a même plus "un avenir pour l'avenir". Barbarie technologique, manipulation médiatique, célébration des loisirs nous menacent. La civilisation occidentale est retombée en enfance" écrit-il! "Nous sommes des gosses de riches qui s'ennuient dans une surabondance de jouets: on est toujours tenté de casser ses jouets. Pour tout casser, le fascisme soft est la voie la plus simple. Pas un fascisme en chemises noires, mais un fascisme mou des banlieues résidentielles. Le prochain Hitler ressemblera à un animateur de talk-show qui charmera les ménagères. C'est la servitude volontaire".


     Le rêve des Lumières a échoué et, en conséquence, d'autres déçus pensent au prochain Staline. Si la raison est morte on n'a plus le choix qu'entre le fanatisme et le nihilisme. Il est vrai que nous sommes de plus en plus soumis à règlements, contrôles, surveillances. Des satellites observent par delà les nuages. Le découragement aura raison de notre résistance et James G. Ballard constate: "nous nous laissons enfermer comme des somnambules dans une prison conçue par nous-mêmes. Quand je suis retourné à Shangal en 1991 ma maison était encore debout... mais quand on s'éloigne du centre on bascule dans la science-fiction -rien n'arrêtera les Chinois". Ces lectures nous remémorent certains récits de l'Apocalypse évoquant le repas des humains où, pour manger, il faut porter au poignet le signe de la Bête.


     Disons tout de suite que nous ne souscrivons nullement à un pessimisme si démobilisateur; nous, les chrétiens, avons par notre Baptême, une autre conception de la vie et de l'Histoire. Mais il faut comprendre que ceux qui n'ont ni la foi en un Dieu personnel, ni l'espérance, se trouvent face au vide, au désespoir. Cela dit, il est évident que les mauvaises heures existent, que la politique actuelle baigne trop souvent dans l'environnement que nous venons d'évoquer. Pour compliquer la situation trop de gens et, risquons de le rappeler à nouveau, trop de chrétiens par manque de charité sociale -comme l'écrit récemment le pape Benoît XVI- et aussi par manque de formation ne comprennent pas l'enjeu actuel de la bataille politique mondiale. Vraie bataille, parce que dominée -et souvent encadrée- par "les appareils secrets" des idéologies vivaces mais en cocon, affrontés aux défenses d'un monde aux abois. Des multitudes menacent notre civilisation. Les experts en observation des puissances montantes à très fortes populations, sont souvent étonnés de leurs comportements singuliers. Qu'on en juge: l'Inde d'abord, laquelle connaît en peu de temps une croissance de près de 10%, en même temps qu'elle vient de se doter de l'arme atomique. Jusqu'en 1991 l'Inde était soutenue par l'Union Soviétique. Mais, à la chute de celle-ci et en même temps que cette chute, le monde traverse une crise économique grave. C'est, paradoxalement, une grande chance pour l'Inde qui abandonne son "socialisme" au profit de la libération économique. Dès lors des pays importants, investissent en Inde rejoignant celleci dans sa crainte de l'extraordinaire expansion chinoise. "Rien n'arrêtera les chinois" -disait Ballard. L'observateur attentif qu'est Christophe Jaffrelot, directeur du "Centre d'Etudes et de Recherches Internationales", nous renseigne: "L'Inde se rapprochant de la Chine c'est la seconde étape de cette nouvelle politique asiatique et bien sûr, la plus déconcertante". Surprenante même, puisque l'Inde et la Chine se sont fait la guerre en 1962, en même temps que Pékin donnait l'arme atomique au Pakistan, frère ennemi de l'Inde! Pourtant vers 2000, les deux colosses mettent leur antagonisme en veilleuse avec quelques concessions territoriales réciproques, l'Inde abandonnant au passage le Tibet et le Dalaï-Lama. La logique économique l'emporte sur toute autre considération. Pendant ce temps de "rapprochement amical" la Chine aide toujours le Pakistan, ennemi de l'Inde, afin de fixer celle-ci. Cependant une détente entre New Delhi et Islamabad s'affirme, au moment où l'Inde recherche la protection des Etats-Unis. Dans ce contexte, la Russie de Poutine est toujours foumisseuse d'armes à l'Inde après Israel. Car, après avoir soutenu la cause palestinienne, l'Inde se tourne vers Israel afin d'être parrainée par les Etats-Unis, lesquels, face à la Chine menaçante cherchent un contrepoids en Asie!... A l'Inde, à la Chine s'ajoutent Cuba, la Corée du Nord, l'Iran et la Russie, laquelle recèle des appareils. telle agitation mondiale suppose une puissance organisatrice; l'étude de la psychologie collective nous met en garde contre la croyance en la spontanéité. La guerre menée sur ce plan est totale. Un appareil, opérationnel au plan mondial, orchestre en silence le jeu dans le but de doter la planète d'une nouvelle société paradisiaque, parce que délivrée de l'exploitation née au début du néolithique.


     Ce qui est étonnant et dangereux dans cette analyse, effectuée par des observateurs aussi savants qu'honnêtes, est justement que cette analyse remarquable est considérée comme déconcertante. Elle n'est déconcertante que limitée par un raisonnement "bourgeois". La logique Révolutionnaire, basée sur l'action dialectique, n'essaie pas d'expliquer les méandres de l'histoire, elle oriente vers le but visé. La dialectique est l'étude des contradictions dans l'essence même des choses. Le chrétien engagé politiquement doit posséder ces disciplines. C'est compliqué, certes, mais indispensable.


     Que les chrétiens assument le social, le caritatif, l'économique est également indispensable; le pape, répétons-le, appelle le peuple de Dieu à vivre l'Amour et donc le service des frères et des oubliés. Le chrétien, au nom de ce même Amour, doit accéder à la connaissance de la politique à un niveau supérieur afin de parer aux menaces possibles, donc bien connaitre la société contemporaine et ses mutations.


     A ce propos, recevons pleinement l'appel du Cardinal Roger Etchegaray. Celui-ci, bien connu des observateurs pour sa personnalité chaleureuse et sa fine diplomatie en des circonstances souvent délicates, s'est rendu très récemment à Moscou, invité par le patriarche orthodoxe Alexis II. Le Cardinal a insisté, depuis Moscou, sur la nécessité d'un témoignage commun des chrétiens pour affronter les "mutations gigantesques de la société en Russie". Merci au Cardinal, comprenons bien son appel.


     Comme nous venons de le voir, les mutations concernent le monde entier.


     L'unité des chrétiens fera le Salut du Monde.


Georges Sauge.

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