Le rôle Révolutionnaire du Capitalisme

Lettre d’information n°1453, Samedi 2 Décembre 2006


     Je ne ferai qu'évoquer "Ce qui va bien dans le monde daujourd'hui", car tel est le mot d'ordre émanant d'une pensée unique. Actuellement, les médias semblent s'abstenir de toute originalité et se concentrer sur le même événement. En ce qui me concerne je prendrai, comme souvent, une position, sinon contraire, au moins différente. Je reconnais et approuve tout ce qu'il y a de positif et de nécessaire dans ce qui explique cet optimisme mais nous avons, ici, à tenir compte d'une mission autre, aussi importante. Il ne s'agit aucunement de jouer les Cassandre, mais d'élever la chose publique à un niveau qui est d'abord politique voire métapolitique L'heure qui est la nôtre est une affaire de civilisation avant d'être une affaire de société. Il est du devoir du chrétien responsable et engagé de se situer à ce niveau, afin de se dégager tant de l'idéalisme que du matérialisme. Donc analyser froidement ce qu'un avenir, pas trop lointain, peut représenter de menaces pour une civilisation basée sur des valeurs données aux hommes par le Créateur; l'immense majorité des hommes de notre planète croit en Dieu. Mais la lutte contre Dieu, systématiquement entreprise dans le monde, est récente historiquement dans sa pédagogie, d'où l'analyse qui suit.


     Je résumerai d'abord le point de vue d'un grand écrivain portugais, José Saramago, prix Nobel de Littérature en 1998, lequel vient d'écrire un livre, sous forme de roman, au titre opportun: "La Lucidité". En effet, José Saramago est lucide et porte un jugement très pertinent sur les grands problèmes de notre époque. Pour lui, la démocratie est un mensonge: «Les démocraties ne sont que lesfaçades politiques du pouvoir économique Je sais que cette expression peut paraître archaïque, mais pourtant c'est le pouvoir économique qui contrôle le monde .... ». Mais, ce dont témoigne ensuite José Saramago est intéressant et révélateur du drame, ou de l'un des aspects du drame de la société moderne. Iuteur avoue, avec fierté, qu'il est communiste et, qu'à ce titre, il lance un appel: sauvons la démocratie pendant qu'il en est encore temps. C'est courageux de se dire communiste, à l'heure où le monde politique regorge "d'anciens", "anciens" francs-maçons, "anciens" communistes, "anciens" trotskistes, une véritable écurie de gens s'étant trompés disent-ils, mais qui entendent donner des leçons politiques tout en visant les bonnes circonscriptions... Ce qu'écrit José Saramago dans son ouvrage, révèle l'immense ignorance des intellectuels de la véritable nature du MarxismeLéninisme. Au cours d'un entretien (Nouvel Observateur 26-10-2006), alors qu'on lui objecte que le communisme, sur le plan de la démocratie, n'a rien changé, José Saramago formule cette réponse hautement significative: «...le communisme? ça n'a jamais existé. On ne sait pas ce que c'est. Il y a des idéaux, des principes. Mais ces principes ont été dénaturés dès lors qu'ils ont été mis en action. On ne peut pas dire que le communisme est ceci ou cela, car la vérité c'est qu'on n'en sait rien. En Union Soviétique ce n'était qu'un capitalisme d'Etat. Et la Chine suit le même chemin...».


     José Saramago, à lui seul, symbolise le phénomène, qui, depuis le milieu du XIXème siècle, répand le plus insidieux et le plus pervers des poisons dans toutes les sphères de la Société mondiale. Une grande partie de cette société assimile le MarxismeLéninisme à la Démocratie, au partage, à la libération de l'homme par la suppression de l'exploitation. Le communisme a l'avantage sur toutes les autres expressions politiques d'être Malin, et ce, au sens biblique du terme. Peu de gens ont lu et compris tant Karl Marx que Lénine. Jamais Marx, ni la filiation communiste n'ont promis le bonheur par la Démocratie; on tente, aujourd'hui, de dégager Karl Marx du Léninisme, surtout du Stalinisme. Il est aussi et surtout urgent de dissiper le mensonge absolu engendré depuis Karl Marx quant à l'interprétation de l'histoire de l'Humanité. Le temps est venu de montrer la logique léniniste tirée de la théorie exposée par Marx. Or, actuellement, une Force puissante sur le plan mondial, un appareil rodé, aux ressources de toutes natures, inépuisables, prépare la nouvelle version du communisme, un communisme à visage humain. Cette Force, encore obscure, ou plutôt clandestine, veut retoiletter Karl Marx afin de le désolidariser de son encombrante succession. Karl Marx est donc donné comme champion de la pensée moderne. Lors d'un débat organisé à Londres par Jacques Attali, dans le cadre de la Jewish Book Week (la Semaine du livre Juif), l'historien britannique Eric Hobsbaum déclare: «Il est surprenant que Karl Marx suscite autant d'intérêt. A l'heure actuelle, son influence est incroyable. Un récent sondage de la B.B.C. le sacrait même philosophe le plus célèbre de tous les temps; dans le moteur de recherche "Google", sur l'internet, si vous tapez Karl Marx, vous obtenez des millions de réponses.»

 

     Le célèbre et représentatif milliardaire George Soros découvre soudain le génie de Karl Marx. L'Historien britannique attribue cette formidable célébrité à l'écroulement du Marxisme officiel de flJRSS, et aussi, au fait de l'intérêt, plutôt soudain, des milieux capitalistes pour ce penseur qui ressurgit opportunément. Car, et le phénomène de notre époque est là: Il se couve un projet nouveau, grandiose, aussi surprenant que le fut, en 1939, le pacte Germano-Soviétique, une alliance entre le capitalisme et le Marxisme renaissant et rénové. Contrairement à ce que l'on tente de nous prouver, Lénine n'a pas dévié de la pensée de Marx. Que le raisonnement du théoricien, auteur du Manifeste du Parti communiste en 1848, n'ait pu aboutir qu'à une action ratée est un fait, mais les circonstances historiques étaient contraires à une telle entreprise et Marx n'était pas non plus un organisateur... Donc, Lénine, Trotski et Staline furent dans la ligne logique, conçue par Marx aux temps de la 1ère internationale, il aurait sûrement également dissous la 3ème internationale, en douceur, en laissant s'écrouler l'URSS afin de garder le communisme disponible pour une future entreprise.


     En fait, Lénine avait estimé que le capitalisme pouvait être vaincu par les moyens classiques de l'époque: propagande savamment menée, force militaire, luttes de classes, afin de détruire les valeurs humaines et la religion. C'était sans compter sur l'émergence d'un élément imprévu, le fait fasciste en Allemagne et en Italie, engendrant les préparatifs de guerre d'un capitalisme inquiet. Lénine, comme Trotski, toujours dans la logique de Marx, avaient bien compris le rôle révolutionnaire du capitalisme, tout en divergeant sur les moyens d'utiliser ce rôle au profit de la Révolution prolétarienne. L'un, Lénine, en poursuivant la stratégie des étapes de la Révolution, tout en recourant au capitalisme par la tactique de la Nouvelle Economie Politique (N.E.P.). L'autre, Trotski, en dissolvant de suite cette première étape afin de développer, au plan mondial, la Révolution permanente. Peu importe celui qui avait raison, notre temps opte, toujours dans la ligne Marxiste, pour la thèse Trotskiste. Notons que, ceux qui, aujourd'hui, se gaussent du communisme lequel passerait de la Révolution à l'économie de marché ont le même langage que ceux qui, aussi bêtement, dénonçaient l'illogisme de la N.E.P.de Lénine.


      Jacques Attali, ancien conseiller de François Mitterand, observateur sagace de l'Histoire, a raison de rappeler dans son excellent livre; "Karl Marx ou l'Esprit du Monde" que:«contrairement à la caricature Marxiste, Marx était d'abord un admirateur du capitalisme... Pour Marx le capitalisme devait être mondial avant que le socialisme soit envisageable». La stratégie va accélérer le mouvement révolutionnaire en faveur du capitalisme mondial, afin de faire triompher la Révolution prolétarienne annonçant la société sans classe. Au moins trois pays, aux ressources de plus en plus gigantesques, sont prêts pour ce combat dantesque et apparemment paradoxal. Ces pays dont la Chine, qui dispose de plus d'un milliard d'esclaves, permettant par l'exploitation de ce capital humain d'entreprendre, en tous les domaines, des réalisations pharaoniques: telles le gigantesque Barrage des Trois Gorges et la colonisation industrielle de l'Afrique, que la bourgeoisie, par pingrerie, n'a pas voulu développer: quand on relit la dure dénonciation de la bourgeoisie de son époque par Marx en 1848, et celle du "New York Times" de Novembre 2006, force est de constater que la situation n'a pas changé, si ce n'est l'effondrement voulu des valeurs de base de la société. La bourgeoisie du grand capital à joué dans l'histoire un rôle essentiellement révolutionnaire. Ce n'est pas le communisme qui a précipité l'histoire, c'est la bourgeoisie possédante. «Partout où elle a conquis le pouvoir, elle a foulé les relations patriarcales et idylliques... Tous les liens qui unissaient l'homme avec l'homme et l'homme avec ses supérieurs, elle les a foulés aux pieds, ne laissant subsister que le froid intérêt et le dur paiement au comptant... Elle a noyé l'enthousiasme religieux, la sentimentalité chevaleresque dans les eaux glacées du calcul égoïste., .Elle a substitué aux libertés chèrement acquises l'unique et impitoyable liberté du commerce». (Manifeste du P.C. 1848)


     Le professeur d'économie Paul Krugman dénonce donc, dans le New York Times cité plus haut: «...Les bénéfices après impôt des entreprises ont plus que doublé, parce que la productivité des travailleurs a augmenté, mais pas leurs salaires. Les grands employeurs ont décidé qu'ils avaient tout intérêt à traiter les travailleurs comme des produits jetables, payés le moins possible et encouragés à partir au bout d'un an ou deux...». L'attente des Pauvres est l'Eschatologie du Matérialisme historique.


    Voici la connivence, peu décelable en ses débuts, entre communisme et capitalisme qui constitue la Menace possible de nos lendemains. L'Eglise du Christ est en mesure de faire front à ce fléau mondial qui s'élabore. L'évangélisation ne peut que proposer aux chrétiens avertis de ne pas négliger cet aspect, possible mais redoutable, de la complexité de notre époque. N'ayons pas peur, pas peur des ténèbres; en fils de la Lumière, conscients que la vraie Révolution c'est nous, pour toujours, car le Christ est Roi, le Christ est Seigneur.


Georges Sauge

RETOUR